Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/267

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développement de la brutalité et que le sang soit versé à flots. Si une classe capitaliste est énergique, elle affirme constamment sa volonté de se défendre ; son attitude franchement et loyalement réactionnaire contribue, au moins autant que la violence prolétarienne, à marquer la scission des classes qui est la base de tout le socialisme.


Nous pouvons utiliser ici la grande expérience historique fournie par les persécutions que le christianisme eut à subir durant les premiers siècles. Les auteurs modernes ont été si frappés par le langage des Pères de l’Église et par les détails donnés dans les Actes des martyrs, qu’ils se sont représenté généralement les chrétiens comme des proscrits dont le sang ne cessait de couler avec abondance. La scission fut extraordinairement marquée entre le monde païen et le monde chrétien ; sans cette scission, jamais celui-ci n’aurait pu acquérir sa pleine personnalité ; mais cette scission a pu se maintenir sans que les choses se soient passées comme on le pensait autrefois.

Personne ne croit plus que les chrétiens se réfugiaient dans des carrières souterraines pour échapper aux perquisitions de la police ; les catacombes furent creusées, à très grands frais, par des communautés disposant d’importantes ressources, sous des terrains qui appartenaient, en général, à de puissantes familles, protectrices du nouveau culte. Personne ne met plus en doute qu’avant la fin du premier siècle, le christianisme avait des adhérents au sein de l’aristocratie romaine ; « dans la très ancienne catacombe de Priscille, on a retrouvé la