Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/35

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L’un des plus élégants ministres de la République[1] s’est fait une spécialité des sentences solennelles prononcées contre les partisans de la violence : Viviani enchante les députés, les sénateurs et les employés convoqués pour admirer son excellence au cours de ses tournées, en leur racontant que la violence est la caricature ou encore « la fille déchue et dégénérée de la force ». Après s’être vanté d’avoir travaillé à éteindre les lampions célestes par un geste magnifique, il se donne les allures d’un matador aux pieds duquel va tomber le taureau furieux[2]. Si j’avais plus de vanité littéraire que je n’en ai, j’aimerais à me figurer que ce beau socialiste a pensé à moi quand il a dit, au Sénat, le 16 novembre 1906, qu’il « ne faut pas confondre un énergumène avec un parti et une affirmation téméraire avec un corps de doctrine ». Après le plai-

  1. Le Petit Parisien, que l’on a toujours plaisir à citer comme le moniteur de la niaiserie démocratique, nous apprend qu’aujourd’hui « cette définition dédaigneuse de l’élégant et immoral M. de Morny : « Les républicains sont des gens qui s’habillent mal », semble tout à fait dénuée de fondement. » J’emprunte cette philosophique observation à l’enthousiaste compte rendu du mariage du charmant ministre Clémentel (22 octobre 1905). — Ce journal bien informé m’a accusé de donner aux ouvriers des conseils d’apache (7 avril 1907).
  2. « La violence, disait-il au Sénat, le 16 novembre 1906, je l’ai vue, moi, face à face. J’ai été pendant des jours et des jours, au milieu de milliers d’hommes qui portaient sur leurs visages les traces d’une exaltation effrayante. Je suis resté au milieu deux, poitrine contre poitrine et les yeux dans les yeux. » Il se vantait d’avoir fini par triompher des grévistes du Creusot.