Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
HISTOIRE DU PARNASSE

jour, mais souvent une gloire en feu de Bengale : « ce lyrique est aussi un bouffon… Cela tient du boniment, de la charge d’atelier, de la parodie et de la caricature[1] ». Catulle Mendès, qui le met pourtant très haut, imagine une fête devant le monument de Banville au Luxembourg, et c’est une scène de Mardi-Gras[2] ! Enfin, son meilleur ami, Stéphane Mallarmé, admire, d’une façon compliquée, « la nécessité d’un rôle vierge et jusque maintenant inconnu » ; une sorte de fatalité veut donc « que l’auteur des Améthystes représente à travers les somptuosités, les ingénuités…, l’être de joie et de pierreries qui brille, domine, effleure[3] ». Le mot de la charade, c’est bien : clown.

Quant aux critiques qui écrivent pour être compris, leur attitude est nette. Jules Lemaître constate chez Banville l’intention persévérante de ne vivre que de mots, de n’exprimer aucune idée[4]. M. Lalou dit sèchement que son œuvre est une improvisation, clownesque[5]. Barbey d’Aurevilly, plus indulgent, trouve cette jolie image : « de tels prestiges par les mots…, cette espèce d’harmonica littéraire joué sur des verres… à moitié vides ou tout à fait vides, ne peuvent pas constituer cette chose douce et puissante, intimement puissante, qui s’appelle un livre de poésie pour les esprits mâles et bien faits[6] ». En’effet, aux acrobaties de rimes, que nous avons vues tout à l’heure, il faut ajouter ses clowneries de pensée, qui sont une chute plus grave. Il s’est amusé à mettre en prose les fables de La Fontaine[7] ! Il s’est complu au genre de la parodie, c’est-à-dire à la plaisanterie la plus dégradante que puisse faire un poète à un autre poète[8]. Il a osé parodier jusqu’à la Tristesse d’Olympio, ce qui est bien léger pour un hugolâtre[9]. Il fait semblant de s’excuser d’avoir écrit Les Folies Nouvelles, pour l’inauguration du Théâtre d’Hervé : « c’est de cet œuf que devait sortir l’opérette, dont l’abominable race a pullulé, envahi le monde ; si bien que je me trouve, ô remords ! avoir été en quelque sorte complice de ce monstre auquel mes vers ont souhaité la bienvenue. Ce que c’est

  1. Rapport, pp. 301-304.
  2. Rapport, pp. 94-95.
  3. Divagations, p. 122.
  4. Revue Bleue du 21 février 1885, p. 232 sqq., ou Contemporains, Ire série.
  5. Lalou, Histoire de la Littérature, p. 8.
  6. Poésie et Poètes, p. 79.
  7. Dames et Demoiselles, p. 248.
  8. Odes funambulesques, p. 96, 117 ; cf. le commentaire, pp. 198-199.
  9. Occidentales, pp. 265-266.