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VERS LE PARNASSE

que légères, destinées à l’enfer des bibliothèques[1]. Le maître de la maison présente Coppée à Cladel, Mallarmé, Heredia, Dierx, Valade, Mérat, Gabriel Marc, Villiers de l’Isle-Adam : c’est le groupe des habitués, sans oublier une belle personne en robe rouge, qui fume des cigarettes, étendue sur le canapé[2]. Parfois la soirée a lieu chez Mlle Holmès ; c’est le même personnel, les mêmes causeries, les mêmes paradoxes littéraires, avec une légère nuance, parce qu’on n’est plus dans la garçonnière de Mendès, mais dans le salon de son amie[3].

Tandis que Leconte de Lisle est encore un isolé, Mendès, dès 1861, réunit les rimeurs non seulement chez lui ou chez Mlle Holmès, mais aussi dans sa revue, ou plutôt dans ses revues, car, Émile Zola l’a remarqué avec une certaine malice, « ces Revues ne vivaient pas ; mais, comme elles se succédaient, la petite armée qui marchait derrière M. Mendès, ne perdait point courage, et emboîtait le pas avec conviction[4] ». À la Revue Fantaisiste, on trouve Baudelaire et Banville, Alphonse Daudet et Glatigny, Monselet et Philoxène Boyer[5]. Mendès a voulu raconter lui-même l’histoire de sa revue ; il veut y voir la source même du Parnasse. Il lui consacre dans sa Légende une quarantaine de pages, où il se pose en directeur olympien ; il se gonfle : il montre Sully-Prudhomme venant, en solliciteur, lui offrir des vers[6]  ! À la Revue fantaisiste succède La République des Lettres, etc.[7].

Enfin, voici pour les jeunes un vrai chef littéraire, de leur âge : il a au moins autant de talent que le meilleur rimeur de la bande. Puis, il a des idées nouvelles : dès 1864, en sa Philoméla, il expose dans une pièce, Pudor, sa pudeur littéraire, c’est-à-dire son impassibilité :


Tu ne parleras pas, ô mon âme inquiète !
Rien ne révélera ton mal intérieur :
Pas de sanglots humains dans le chant du poète.


Il a vraiment, avant le Parnasse de Leconte de Lisle, une âme

  1. De Lescure, Fr. Coppée, p. 65.
  2. Coppée, Souvenirs, p. 78.
  3. Talmeyr, ibid., p. 707.
  4. Documents Littéraires, p. 175.
  5. J. Charpentier, Th. de Banville, p. 77 Fuchs, Th. de Banville, p. 217.
  6. La Légende du Parnasse, p. 132-133.
  7. Goudeau, Dix ans, p. 25.