et impitoyables. La dissection des vers qu’ils viennent d’entendre ressemble si bien à une opération chirurgicale que, un peu dégoûté par cet amphithéâtre littéraire, Sully Prudhomme écrit à Coppée, le 2 décembre 1866 : « je suis beaucoup plus disposé à jouir de vos vers qu’à les écorcher[1] ». Les plaisanteries contre les victimes ne sont pas acérées comme celles de Leconte de Lisle, mais injurieuses et vulgaires : elles ne piquent pas, elles assomment. Au passage Choiseul, après le succès des Essais de Psychologie, on trouve pour le trop heureux auteur un sobriquet qui est une insulte grossière : le cochon malade[2] !
Leur technique elle-même est encore une exagération. Voulant être impeccables, presque jusqu’à l’excès, ils prennent comme forme de prédilection le sonnet, qui exige la perfection[3]. Ils sacrifient parfois le fond à la forme et semblent préférer aux autres qualités la sonorité musicale du vers[4]. Leur maître cherchait d’abord la pensée qui est pour lui l’essence de la beauté : eux, ils mettent cette beauté dans la forme, dans la couleur[5]. Il ne faudrait pas les presser beaucoup pour leur faire avouer, comme Flaubert, que le fond vient de la forme[6]. Leur inspiration semble souvent gênée dans un corset trop serré ; comme l’a dit méchamment un symboliste, « les Parnassiens abusèrent des recettes, des procédés, des règles, de tout l’attirail orthopédique par lequel la poésie se soutient dans l’attitude noble, et simule la perfection continue[7] ».
Le seul modèle sur la beauté duquel tous s’accordent, c’est le vers type de Racine :
Leur prompte servitude a fatigué Tibère.
Leconte de Lisle, qui, nous l’avons vu, y trouvait l’idéal même de la beauté poétique, avait réussi à imposer autour de lui son admiration pour ce modèle[8]. Quant aux questions de pure facture, c’est l’indépendance complète. Le vers parnassien va de la liberté romantique à la régularité classique préférée par le Maître. Les rejets, par exemple, rares chez Leconte de Lisle, sont plus fréquents
- ↑ P. p. Monval, Correspondant du 25 septembre 1927, p. 821.
- ↑ L. Tailhade, Les Commérages de Tybalt, p. 243.
- ↑ Doumic, R. D. D.-M., 15 mars 1904, p. 454.
- ↑ Rettinger, Histoire de la Littérature française du Romantisme à nos jours, p. 12-13.
- ↑ Canat, Du Sentiment de la Solitude morale, p. 242.
- ↑ {{sc|Hytier, Le Plaisir poétique, p. 49.
- ↑ P. Gourmont, Promenades Littéraires, V, 52.
- ↑ Calmettes, p. 286-288.