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LE PARNASSE

Surtout la présence de Vacquerie nous étonne. Que vient-il faire là ? N’ayant pu avoir V. Hugo, le Parnasse a-t-il voulu du moins exhiber son fidèle compagnon d’exil[1] ? Ce qui est constant, c’est que son envoi est faible. Vacquerie reproduit dans ses Premières années de Paris ses trois pièces, À une femme, À un enfant mort, À un ami ; cette dernière pièce a été, du reste, très corrigée, et valait mieux dans sa forme première ; c’était, au Parnasse, l’éloge truculent du vers romantique :


Ainsi l’enjambement te répugne, et tu veux
Que Sara la Baigneuse attache ses cheveux
Et rentre dans les fils d’un hamac plus avare
Son petit pied pleuré des mines de Carrare.
Te voilà désolé si la liberté veut
Qu’un mot sorte du vers. Jamais ton vers ne peut,
Comme un chasseur heureux d’un hibou qu’il rapporte,
Clouer joyeusement une idée à sa porte.
Tu ne permets jamais que, pour attirer l’œil,
Un adjectif pimpant se tienne sur le seuil.
Tu défends qu’une strophe, interrompant la classe,
Cause avec sa voisine ou bouge de sa place…


Du reste, Vacquerie ne figure plus aux deux autres Parnasses. Sur les trente-six autres poètes du premier volume, douze reparaîtront dans les éditions de 69 et de 76 : Banville, Cazalis, Coppée, Dierx, des Essarts, Heredia, Leconte de Lisle, Lemoyne, Mérat, Renaud, Sully-Prudhomme, Valade.* Dans la première édition, on aperçoit d’abord, très haut au-dessus de tous les autres, trois noms : Gautier, Leconte de Lisle, et Baudelaire.

Gautier ouvre le livre. De ses cinq pièces, toutes reproduites dans ses poésies complètes, et presque sans corrections, Le Banc seul est de haute valeur[2]. C’est une élégie ; on dirait que Théo veut par cet envoi protester contre l’Impassibilité. C’est justement son charme élégiaque que Coppée défendra contre les envieux dans le Tombeau que les Parnassiens dresseront en l’honneur du vieux maître :


Ils ont dit : Ces vers sont trop purs. Le mètre,
La rime et le style y sont sans défauts.
C’en est fait de l’art qui consiste à mettre
Une émotion sincère en vers faux.


  1. Dreyfous, Ce que je tiens à dire, p. 247 ; Th. Gautier, Rapport, p. 319-320 ; Huret, Enquête, p. 348-349.
  2. II, 196, 241, 238, 198, 222.