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HISTOIRE DU PARNASSE

Parnasse, commençait à être de la gloire[1] ». Ses anciens amis la lui font payer cher. Parmi les Parnassiens purs, Heredia est, avec Sully Prudhomme, le seul qui aime la sensibilité de bon aloi de Coppée, tout en souriant de ses excès de forme, et en citant, comme amusant spécimen de sa manière, ce vers administratif : « la caisse des Dépôts et Consignations[2] ».

L’École ne rompt pas avec Coppée, pour ne pas se diminuer : elle revendique même officiellement le poète célèbre[3] ; mais, dans l’intimité, elle boude. Coppée, de son côté, ne divorce pas publiquement, mais il pratique, lui aussi, la séparation de cœur. Il revendique sa liberté en tout, même pour des questions de forme. Son vers, qui émerveille les praticiens, est d’une souplesse qui nargue volontiers la beauté hiératique des alexandrins du Maître[4]. Coppée se rebiffe contre les règles obéies par le Parnasse ; il se permet les plus licencieux des sonnets :


Adieu, chaud boudoir fait pour un Lapon,
Tapis balayé par son blanc jupon.
Canapés moëlleux, vases du Japon
Où ne fleurit plus la rose pompon, etc.[5].


Il commence à trouver bien minutieux le travail de lime et de burin qui fait la joie du Parnasse, et qui ne convient qu’aux pièces très courtes, au sonnet par exemple. Il avoue à ses intimes que le plus superbe poème d’Heredia doit être « bien ennuyeux à faire ». Il prend en pitié ces ciseleurs de petits bronzes dont le scrupule artistique s’interdit les grandes œuvres : à sa mère, en mars 1870, il confesse son mépris pour un art qui renonce à la libre inspiration : « les Parnassiens trouveront toujours très jolis une dizaine de vers de moi ; le jour où j’écrirai un poème long comme l’Iliade, ils le déclareront imbécile. Opinion de constipés[6] ! » La querelle est plus grave encore sur les questions de fond, sur le but de la poésie, sur les obligations du poète. Son premier devoir, d’après Coppée, est d’être libre, de jouer l’air qu’il aime, dans le mouvement qui lui plaît, sans regarder le bâton du chef d’orchestre. C’est en recevant Heredia à l’Académie qu’il prend sa revanche des violences qu’il

  1. Revue Pédagogique, 15 juin 1908, p. 544.
  2. Albalat, Revue Hebdomadaire du 4 octobre 1919, p. 52.
  3. {{sc|Calmettes, p. 163.
  4. Bergerat, Souvenirs, II, 152-153.
  5. Vers d’Amour, p. 79.
  6. Monval, Revue Hebdomadaire du 31 août 1912, p. 653.