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LE DISPERSION

dont les fables contiennent l’essentiel du Parnasse, mais tempérant sa sécheresse par la douceur de Brizeux. Avant même d’entrer en relations avec les Parnassiens, il publie dans la Revue des Deux-Mondes, à partir du 15 août 1857 jusqu’au Ier septembre 1866, une longue série de pièces toutes pleines du parfum des fleurs des bois ; peu à peu on voit grandir et se préciser son talent, jusqu’à ce qu’il donne toute sa mesure dans Veronica Silvestris et la Chanson du Vannier ; comme disait Sainte-Beuve, « cela sent bon la forêt[1] ». Il réunit toutes ses inspirations silvestres dans un premier recueil, Le Chemin des Bois. Il ne le compose pas comme on fait un bouquet de muguet, en cueillant tout ce qu’on trouve ; il trie, il choisit, il émonde[2]. La gerbe semble délicieusement parfumée à Richepin, à Paul Bourget[3]. Les éloges les plus capiteux ne grisent pas Theuriet, et ne lui inspirent que le désir de les mériter[4]. Le Parnasse va-t-il être pour lui une école de perfectionnement ? C’est en juillet 1866, à Versailles, chez Mme de Sambris, qu’il prend pour la première fois contact avec les Parnassiens. Jusque-là il les connaissait simplement par leur premier recueil[5]. Leur iitransigeance le choque d’abord. Il s’humanise peu à peu, les voyant souvent au passage Choiseul, quand il rapporte à Lemerre les épreuves du Chemin des Bois[6]. Maintenant ils le regardent comme un des leurs ; et pourtant il proteste qu’il n’appartient pas au Parnasse : ce n’est pas par une vanité un peu mesquine de son indépendance, mais par la conviction que son originalité n’a rien de parnassien. Que veut-il, aussi bien dans ses vers que dans ses romans ? « Peindre les milieux où j’avais vécu, et rendre les impressions reçues, très simplement, très sincèrement, en cherchant à faire passer directement mes sensations et mes émotions dans le cœur du lecteur[7] ». Aussi, dans le salon de Leconte de Lisle, se tient-il au second rang ;. il ne cherche pas à briller. On l’appelle : le Comparse. On veut ne voir en lui qu’un prosateur, et qu’un « sous-Octave-Feuillet[8] ». Mais il sait écouter, et fait son profit des théories sur le vers, sur-

  1. R. D. D. M., Ier février 1865 ; Theuriet, Souvenirs, p. 248.
  2. Souvenirs, p. 142.
  3. À l’Académie, 9 décembre 1897, 18 février 1909.
  4. Mme Demont-Breton, II, p. 26.
  5. Souvenirs, p. 232.
  6. Souvenirs, p. 243.
  7. Souvenirs, p. 248, 257.
  8. Calmettes, p. 271. On a même voulu voir en lui un sous-Ferdinand Fabre ; cf. Duviard, Ferdinand Fabre (Cahors, 1927), pp. 339-340.