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XLV
INTRODUCTION

IV

Chose bizarre, le même Coppée qui est si heureux d’avoir été parnassien, fait partie de ceux qui se demandent si le Parnasse a été vraiment une école. Oubliant ce qu’il a publié sur l’enseignement de son premier maître, Mendès, il déclare, à l’Académie, en recevant Heredia, que le Parnasse n’a pas pu être une véritable école, puisqu’il n’y a pas d’institution où l’on enseigne la poésie, puisque les Parnassiens n’étaient pas des écoliers : « bien qu’appartenant à la même école, ils différaient tellement les uns des autres… Ce mot même d’école, ne vous déplaît-il pas comme à moi, Monsieur ? Il implique l’idée de professeur et d’élèves, et il ne saurait y en avoir dans le seul des arts qui ne s’apprend ni ne s’enseigne[1] ». Pareillement les deux poètes qui se vantent d’avoir fondé le Parnasse, se demandent si c’était bien une école, et répondent non. Mendès l’affirme à ceux qui croient que les Parnassiens avaient voulu créer un Cénacle : grande erreur ! Ils ont été un simple groupe, et rien de plus[2]. Ricard est plus nihiliste encore ; d’après lui le Parnasse n’a été ni une école, ni un cénacle, ni une coterie, ni un groupe ; il n’a eu ni Credo, ni dogme littéraire, ni esthétique officielle ; il n’a été qu’une formule, aussi vague que possible[3]. Ils n’ont pas eu de chef, ajoute Verlaine dans ses Mémoires d’un Veuf ; ils pouvaient admirer les vieux lutteurs, Baudelaire, Leconte de Lisle, Banville, mais ces grands poètes étaient si originaux qu’ils ne pouvaient avoir de disciples[4]. Verlaine doit avoir une idée de derrière la tête qu’il ne veut pas dévoiler, pour avancer un raisonnement aussi piteux que celui-ci : un poète ne peut avoir de disciples que quand il n’est pas original ! C’est pourtant ce que répète Jean Aicard, une quinzaine d’années plus tard, en séance académique : le premier Parnasse Contemporain fût-il « œuvre d’école ? Non. Les poètes du Parnasse, très divers d’âme, de caprice, de fantaisie, n’entendaient pas être une école ; mais, sur quelques points précis, ils avaient, semble-t-il, une volonté commune : réagir contre le

  1. Le Temps du 31 mai 1895.
  2. La Légende du Parnasse, p. 19.
  3. Le Petit Temps, 9 septembre 1900.
  4. Œuvres, IV, 292.