Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XLVII
INTRODUCTION

Tout de même, il eût été dommage que, du Parnasse même, aucune voix autorisée ne se fît entendre très haut, exposant avec franchise la situation vraie, telle que nous l’établirons dans la suite de ce livre ; Sully-Prudhomme, parnassien sans enthousiasme, reconnaît qu’il y eut là une véritable société, mais sans contrat social : « en ce qui me concerne du moins, dit-il, je n’ai pas souvenance qu’il y ait eu entre nous un accord préalable, une sorte de conjuration délibérée pour combattre le vers facile à l’excès… Nous avions tous individuellement le même souci d’une facture soignée, et nous nous sommes rencontrés sans nous chercher[1] ». Mais il collabore aux trois Parnasses Contemporains, ce journal officiel de l’École, et il s’incline devant le Maître : « en somme, nous avions choisi pour modèle, spontanément, la versification de Théophile Gautier et de Leconte de Lisle. Ce dernier fut notre maître avoué ; c’est de lui que nous nous réclamions de préférence[2] ». L’auteur des Poèmes Barbares est donc bien le chef d’orchestre, pour emprunter à Coppée son image : les instruments s’accordent ; Dierx tient le violoncelle ; Heredia est au pupitre du premier violon ; et Catulle Mendès promène doucement son archet sur la viole d’amour ; on voit côte à côte Mérat avec son hautbois, Valade avec sa clarinette ; Sully-Prudhomme frôle les cordes de la harpe. Coppée met une embouchure à son cornet à piston ; Xavier de Ricard est debout près de la grosse caisse, tandis que le provençal Jean Aicard essuie son galoubet et tend la corde du tambourin. Rumeur, mélodies confuses… mais L. de Lisle monte au pupitre et frappe quelques coups secs de son bâton. Moment de silence : les virtuoses ont les yeux fixés sur lui…

V

Le public, lui, croit si bien à une école, et à des disciples, qu’il leur cherche un titre commun : Parnassiens, Impassibles. Comment a-t-on pu appeler ces jeunes et ardents poètes des Impassibles ? D’où peut venir, non pas ce nom, mais ce sobriquet ? Nous avons vu l’effort de Mendès pour attribuer ce mot à Glatigny, et cité l’article où M. Schaffer dément cette erreur. Sa discussion est fort

  1. Préface de l’Anthologie de Walch, tome Ier, p. viii.
  2. Ibid., p. ix.