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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/101

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VII

MA SŒUR


Mais de toutes les influences qui exercèrent une action sur ma jeunesse, la plus forte, sans contredit, fut celle de ma sœur Aniouta.

Le sentiment quelle m’inspira dès l’enfance fut complexe : mon admiration pour elle était sans bornes ; j’acceptais son autorité en tout, et sans contestation ; j’étais flattée qu’elle me permît de prendre part à ce qui l’occupait ; j’aurais été au feu, à l’eau, pour elle ; et cependant, malgré cette vive affection, je cachais dans les replis de mon âme quelque chose comme un peu d’envie, de cette envie particulière que nous éprouvons si souvent, et presque inconsciemment, pour des personnes chères, qui nous sont très proches, que nous admirons, et auxquelles nous voudrions ressembler en tout. Et j’avais tort d’envier ma sœur ; car, en réalité, sa destinée n’était pas gaie.

Au moment où mes parents fixèrent leur résidence à la campagne, elle sortait de l’enfance.