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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/134

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départ de l’institutrice.

incomplètes, bien des choses aussi trop naïves dans votre nouvelle ; il y a même — excusez ma franchise — quelques péchés contre la grammaire russe, mais ce sont de petites imperfections dont vous vous corrigerez en vous en donnant la peine : quant à mon impression générale, elle vous est favorable.

« C’est pourquoi, je le répète, écrivez, écrivez. Je serais sincèrement heureux d’avoir quelques détails sur vous, si vous trouvez possible de m’en donner : quel âge avez-vous ? quel genre de vie est le vôtre ? J’ai besoin de savoir tout cela pour apprécier votre talent plus justement.

« Votre dévoué,

« Théodore Dostoiévsky. »


Je lisais cette lettre, et les lignes semblaient se confondre devant mes yeux, tant mon étonnement était grand. Le nom de Dostoiévsky m’était connu : je l’entendais souvent prononcer à table, dans ces derniers temps, lorsque mon père et ma sœur discutaient ensemble. Je savais qu’il s’agissait d’un de nos écrivains russes les plus remarquables, mais par quel hasard écrivait-il à Aniouta, et que signifiait tout cela ! Il me vint à l’idée qu’Aniouta se moquait de moi, pour rire ensuite de ma crédulité.

La lettre achevée, je regardai ma sœur en silence, ne sachant que dire. Aniouta s’amusait visiblement de ma stupéfaction.

« Comprends-tu, mais comprends-tu ? dit-elle d’une voix entrecoupée par l’émotion. J’ai écrit une nou-