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sophie kovalewsky.

d’étudiant avec Sophie, voulait étudier la société, les théâtres, le mouvement littéraire dans un grand centre, et, une fois échappée à la tutelle de sa famille, chercha hardiment à se frayer une voie personnelle. N’osant avouer toutefois qu’elle vivait seule à Paris, elle fit passer ses lettres pour la Russie par l’intermédiaire de Sonia, afin de les timbrer du même endroit. L’intention d’Aniouta n’était pas de prolonger son séjour à Paris ; elle se rassurait par la pensée d’avouer tout à son père de vive voix ; mais des relations qu’elle y noua la dominèrent bientôt entièrement, et la vérité devint chaque jour plus difficile à dire. Elle avait fait la connaissance d’un jeune Français, qui fut un des chefs de la Commune, et pendant toute la durée du siège se trouva enfermée avec lui à Paris.

Sophie très tourmentée, comprenant d’ailleurs la responsabilité qui pesait sur elle-même, résolut de pénétrer avec son mari dans Paris aussitôt après le siège, pour y retrouver sa sœur.

Lorsqu’elle me raconta plus tard ce voyage, elle avait peine à expliquer comment ils avaient pu parvenir à pénétrer dans la ville au travers des troupes allemandes. Errant à pied le long de la Seine, ils avaient trouvé un bateau abandonné près du bord et s’en étaient emparés ; mais à peine éloignés du rivage de quelques brassées, une sentinelle les aperçut et les héla. Au lieu de répondre, ils ramèrent de toutes leurs forces, et grâce à je ne sais quelle négligence de service, réussirent à échapper et à débarquer sur