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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/269

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sophie kovalewsky.

vement de vieilles dames, anciennes institutrices dans la famille, qui demeurent avec nous, et comme elles sont toutes en grand deuil, notre maison fait presque l’effet d’un couvent. Nous mangeons aussi beaucoup, comme dans les couvents, et quatre fois par jour nous prenons du thé, avec toutes sortes de bonbons, de gâteaux et de sucreries, ce qui nous aide beaucoup à passer le temps. J’ai essayé cependant de nous donner une petite distraction d’un autre genre. J’ai par exemple décidé Julie à venir seule avec moi, sans cocher, jusqu’au prochain village, lui assurant que je conduisais parfaitement : nous sommes effectivement arrivées très heureusement jusqu’au lieu de notre destination, mais en revenant, le cheval a pris peur, la voiture a heurté un tronc d’arbre, et nous sommes tombées dans un fossé. La pauvre Julie s’est fait mal au pied, mais moi, la coupable, je suis sortie intacte de cette aventure. »

Un peu plus tard, elle écrivait à la même personne :

« Notre vie ici est si uniforme que je n’ai rien à vous dire, si ce n’est que je vous remercie pour votre lettre. Dans ces derniers temps, je n’ai jeté personne de voiture ; notre vie coule aussi calme que l’eau de l’étang qui orne notre jardin. Ma faculté de penser me semble également arrêtée. Je passe mes journées, un ouvrage à la main, sans penser à rien. »


À ce propos il faut remarquer que, dans les intervalles de son travail, Sophie pouvait rester absolu-