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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/316

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triomphe et défaite.

proposé. Si elle avait prévu que l’achèvement de son travail lui coûterait si cher au dernier moment, elle ne se serait pas laissée entraîner à une « lutte pour le bonheur » qui rendait la « lutte pour son bonheur intime » si rude. Elle vint cependant à Paris, et reçut le prix. Elle fut l’héroïne du jour, allant de fête en fête, recevant et portant des toasts, entourée de visiteurs et d’interviewers ; à peine avait-elle un moment à donner à l’ami qui était venu la rejoindre pour assister à son triomphe. Le bonheur de son cœur et le triomphe de son ambition furent également troublés ; son triste sort fut de recevoir de la vie ce qu’elle lui avait demandé, dans des circonstances qui changeaient pour elle la coupe de douceur en coupe d’amertume. Une complication, tenant au caractère de Sophie, vint encore tout aggraver ; son amour jaloux et tyrannique exigeait de celui qu’elle aimait, un dévouement si absolu, une dépendance si complète, que ces exigences dépassaient peut-être la mesure de ce qu’un homme peut donner. D’autre part, elle ne pouvait se décider à quitter sa position, comme l’aurait voulu son ami, et à renoncer à son activité personnelle, pour devenir tout simplement sa femme.

Ainsi dans l’impossibilité de mettre d’accord ces deux tendances opposées, ce fut son amour qui fit naufrage.

Elle rencontra à Paris, à cette époque, un de ses cousins, qu’elle n’avait pas revu depuis ses années de jeunesse. Il possédait de grandes terres dans l’in-