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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/34

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fékloucha.

vue quelque objet pendant un certain temps, et qu’elle se trouvât en avoir besoin, l’objet était introuvable, bien que Niania fût prête à jurer qu’elle-même l’avait serré de ses propres mains dans l’armoire ou dans la commode. On n’y attacha pas grande importance au commencement, mais quand ces disparitions se répétèrent, et qu’elles s’étendirent à des objets de quelque valeur, tels qu’une cuiller d’argent, un dé d’or, un canif en nacre, l’inquiétude devint générale. Nous avions un voleur parmi nous, c’était évident. Niania s’alarma plus que personne, car elle se considérait comme responsable de ce qui appartenait aux enfants : elle prit la ferme détermination de découvrir à tout prix le coupable. Les soupçons devaient naturellement se porter tout d’abord sur l’infortunée Fékloucha, la petite fille préposée au service de notre chambre. Il est vrai que Niania n’avait rien eu à lui reprocher depuis trois ans qu’elle faisait notre service, mais selon Niania cela ne signifiait pas grand’chose. « Elle était petite autrefois, et ne connaissait pas la valeur des objets ; maintenant qu’elle a grandi elle la comprend mieux. D’ailleurs sa famille demeure au village, près de nous : c’est là qu’elle porte le bien volé. » Ainsi raisonnait Niania, et fondant là-dessus ses convictions intimes, elle se persuada de la culpabilité de Fékloucha, la traita durement et sévèrement, si bien que la pauvre petite, effrayée, et sentant instinctivement les soupçons planer sur elle, prit un air de plus en plus coupable.

Mais quelle que fût la surveillance de Niania, elle ne