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Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/44

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fékloucha.

qu’Alexandra soupçonnait Marie Vassiliévna depuis longtemps. Elle avait remarqué qu’elle faisait des avances au jardinier.

« Et, jugez vous-même, disait-elle à Niania, un beau garçon comme Philippe Matvéitch irait-il s’éprendre gratuitement de cette vieille fille ? Elle l’aura attiré par des cadeaux. »

Alexandra s’était bientôt convaincue que la couturière portait au jardinier des cadeaux et de l’argent. D’où les prenait-elle ? Alexandra établit autour de Marie Vassiliévna tout un système d’espionnage dont celle-ci ne se doutait pas : le canif n’était qu’au bout d’une longue chaîne d’observations.

L’histoire devenait plus intéressante qu’on n’aurait pu s’y attendre. Un instinct de policier s’éveilla très vif en Niania, comme il arrive aux vieilles femmes, qu’on voit parfois se jeter avec témérité dans des enquêtes compliquées qui ne les concernent en rien. Dans le cas présent, du reste, Niania était poussée par le remords d’avoir accusé Fékloucha et le brûlant désir de la réhabiliter. Une ligue offensive et défensive contre Marie Vassiliévna fut donc conclue entre elle et Alexandra.

Les deux femmes étaient moralement convaincues de la culpabilité de la couturière ; elles se résolurent à une mesure extrême : trouver ses clefs et profiter d’un moment où elle s’absenterait pour ouvrir son coffre.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Hélas ! les soupçons n’étaient que trop fondés ! Le contenu du coffre les