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Page:Spaak - À Damme en Flandre.djvu/102

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Ah ! c’est bien volontiers que je me mis en route ;
Et j’étais tout ému, quand, avant de voir Damme,
De loin, j’ai deviné la tour de Notre-Dame !

GERTRUDE, touchée,

Oui ? Cela vous faisait quelque chose ?

PIERRE, de plus en plus ému,

Oui ? Cela vous faisait quelque chose ? Bien sûr !
Voici près de quinze ans n’est-ce pas ?… À mesure
Que j’avançais, tout mon passé, mes plus beaux jours,
Comme s’ils m’attendaient à l’ombre de la tour,
— Voyageur infidèle et toujours espéré —
Surgissaient du décor que j’avais préféré.
Sous les arbres penchés de ses digues étroites
C’était le vieux canal fuyant en ligne droite ;
C’était l’horizon libre, amplement découvert,
Traversé des vents frais qui venaient de la mer ;
Je respirais leur souffle et mon cœur était ivre,
Et plus j’allais, et plus il me semblait revivre
Quelques instants d’un rêve enfantin, ingénu,
Qui fut le seul bonheur que ma vie a connu,
Et dont je la sentais encore émerveillée…

(Après un court silence)

Mais toute ma douleur aussi s’est réveillée,
Puisqu’une heure a suffi parmi ces jours heureux,
Pour rendre ce passé tout entier douloureux !…