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Page:Spaak - À Damme en Flandre.djvu/106

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PIERRE

Quel soupçon ? Vous m’aimiez !… Et vous avez choisi !

GERTRUDE, avec un cri,

Ah, non ! Qu’on me condamne après m’avoir comprise,
Soit ! Mais je ne veux pas du moins qu’on me méprise !
Écoutez-moi… j’étais une enfant… c’est à peine
Si je vis clair en moi d’abord… J’étais certaine
D’éprouver du bonheur, mais j’ignorais sa cause ;
Et sans comprendre encor que c’était autre chose,
Sans songer à l’amour, sans évoquer son nom,
J’ai vécu jusqu’au jour dont nous nous souvenons,
Où, soudain, ce bonheur qui troublait tout mon être,
Devina que c’était vous qui le faisiez naître…

PIERRE, faisant un mouvement vers elle,

Ah !…

GERTRUDE, l’arrêtant,

Ah !… Non ; ne me dites rien, s’il vous plaît ; ce n’est point
Facile à raconter… Quoique ce soit si loin
Déjà, je me souviens comme je fus ravie !
Il me semblait que j’allais vivre une autre vie ;
Et c’était, dans la nuit profonde où je vivais,
Comme si, tout à coup, le soleil se levait !
Tandis que vous parliez mon âme, plus légère,
S’imaginait entendre une langue étrangère,
Dont les mots caressants m’étaient presque inconnus…