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Page:Spenlé - Novalis.djvu/151

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L’INTUITIONNISME

blit, par une intuition plus profonde, par un retour au sujet identique de la connaissance, qui pense et produit à la fois ces oppositions, que ce sont là simplement les deux « pôles » contraires de la même activité, les termes antithétiques et affectés de signes contraires, sous lesquels elle s’apparaît, se phénoménalise et se détermine elle-même. Enfin, au moyen de combinaisons innombrables, il s’efforce d’opérer un rapprochement graduel et finalement la synthèse complète des deux termes opposés.

Ainsi s’entr’ouvre à l’homme la catégorie de la Substance éternelle ; Fichte et Spinoza se trouvent réconciliés. L’activité scientifique et même l’activité morale appartiennent encore à la sphère inférieure de la conscience commune, où s’affirment comme réelles les oppositions, la succession, la diversité. Mais la philosophie doit nous faire participer à une conscience supérieure et meilleure ; le dieu qu’elle adore c’est une Idée à qui sa propre contemplation suffit, pour qui l’univers n’est qu’une manifestation d’elle-même, une théophanie. Ici sont apaisés les conflits, conciliées les oppositions, il n’y a plus ni « avant » ni « après », ni « en haut » ni « en bas ». C’est le ciel des Idéaux platoniciens, la Substance spinoziste, l’âge d’or philosophique, l’immuable Éternité qui contient en elle tous les mouvements, tous les changements, toutes les diversités, tous les conflits, sans être elle-même altérée, agitée ou partagée par eux. « La conscience dans le sens le plus élevé est un problème, un idéal : ce serait l’état où il n’y aurait plus de progrès dans le temps, un état intemporel, permanent, toujours égal. Dans cette conscience véritable nous nous modifions encore, mais nous ne progressons plus. Là tous les états et toutes les modifications du moi empirique existent simultanément. Nous existions aussi bien il y a deux ans qu’aujourd’hui. Nous ne retrouvons pas notre moi dans le temps à tâtons et par induction, mais par une intuition instantanée. »[1]

  1. N. S. II, 2 p. 581.