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Page:Spenlé - Novalis.djvu/167

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L’INTUITIONNISME

en théorèmes, la nature peut se définir une poésie matérialisée. Ce qu’on entend communément par poésie, c’est déjà un art subalterne, car la poésie « transcendantale » est « la poésie de la poésie ». — Elle est en elle-même informulable ; partout présente, comme un éther subtil et impondérable, elle ne peut être représentée directement, dans son essence absolue. Elle ne se communique qu’indirectement par le symbole.

LE SYMBOLISME


Qu’est-ce qu’un symbole ? Ce n’est pas l’empreinte extérieure, la copie ou la simple remémoration d’un objet réel. Toute perception est du reste à un certain degré symbolique : car percevoir c’est déjà interpréter. Pareillement la pensée est toujours à quelque degré une divination, une anticipation active des choses et de la réalité. Le fait qui se trouve à l’origine de tout symbolisme, si naïve, si inconsciente qu’en soit encore l’expression, c’est la réceptivité de l’Esprit pour la Nature et de la Nature pour l’Esprit, une aptitude primitive et merveilleuse à s’exprimer mutuellement l’un par l’autre, l’un dans l’autre.

De ce fait primitif seul l’idéalisme philosophique peut rendre compte. Il apprend que la nature n’existe réellement que pensée par nous, qu’elle n’arrive à se représenter que dans notre esprit. Et inversement il faut que l’esprit se réfléchisse dans la nature, que le moi se contemple dans un non-moi, s’il doit arriver à se connaître. En lui-même il resterait éternellement impénétrable, informulé. Ce qu’il y a de plus intime en nous c’est ce qui s’y trouve de plus inexprimé, ce que nous connaissons d’abord le moins : là est le mystère passionnant. C’est pourquoi tout ce qui est en nous s’en va chercher au dehors son image préformée, pour s’y reconnaître et s’y contempler, — et inversement la Nature exté-