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Page:Spenlé - Novalis.djvu/242

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NOVALIS

même, la réllexion philosophique, qui s’immole pour permettre de se manifester à l’éternel amour, etc.[1]

En même temps, par la bouche d’un des interlocuteurs, Gœthe fait la théorie du « Mærchen ». Il y voit le genre poétique le plus libre et le plus parfait, celui qui fait le plus complètement oublier à l’homme le monde et ses dures réalités. Par une gradation très consciente, dans ce recueil d’entretiens et de contes, qui doivent distraire l’esprit des préoccupations pénibles du monde politique, le « Mærchen » occupe la dernière place. « L’imagination », est-il dit, « ne doit plus s’attacher à aucun objet précis ; il faut qu’elle renonce à nous imposer une matière définie et que, dans cette production artistique, elle joue comme une musique intérieure, de manière à nous faire oublier même qu’il existe en dehors de nous quelque chose qui commande un tel mouvement. » C’est une rêverie musicale et féerique, où se succèdent, sans monotonie et sans fatigue, les évocations les plus diverses. Il ne s’ensuit nullement que ces arabesques soient dénuées de sens : elles sont allégoriques ou prophétiques tout comme le rêve ou la musique ; comme eux elles nous révèlent un monde intérieur, une réalité plus profonde que celle que nous percevons dans la vie ordinaire. Ainsi sous l’arabesque transparaît, pour qui sait l’y trouver, un sens profond ; une vérité s’y tient cachée, comme une grappe savoureuse sous le pampre capricieux. Mais si cette vérité peut être « trouvée », elle ne doit jamais être « cherchée ». — « Je vous promets un conte », dit le narrateur en guise d’avertisement, « qui vous fera songer à tout et ne vous fera songer à rien. »

Plus philosophique encore est la conception du « Mærchen » chez Novalis. C’était une idée fréquemment discutée dans les cercles romantiques d’Iéna que celle d’une mythologie nouvelle de la nature. Dans « l’Entretien sur la Poésie » de Frédéric Schlegel, où les auteurs de la nouvelle école

  1. Sur l’interprétation de ce conte cabalistique. Voir Schubert, Ansichten der Naturwissenschaft, op. cit., p. 324.