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Page:Spenlé - Novalis.djvu/26

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NOVALIS

et sociales dont il s’était fait, au moins dans sa jeunesse, l’éloquent interprète. Mais il ne faudrait pas exagérer chez Novalis la portée d’un enthousiasme de jeunesse où, comme on l’a vu, l’imagination jouait un si grand rôle. Et puis c’était un de ces esprits qui subissent moins des influences que des fascinations. La femme qu’ils aiment, l’ami nouveau qu’ils rencontrent, le livre qu’ils lisent, l’œuvre qu’ils projettent les captivent momentanément tout entiers, suspendent en eux toute réflexion, toute critique. À chaque impression ils se donnent sans réserve, avec l’illusion de recommencer leur vie entière. Leur esprit à la fois instable et passionné « cristallise » à tout contact excitant. Ainsi Novalis fera hommage de son génie poétique successivement à sa mère, à sa sœur, à Schiller, à sa première fiancée, à Tieck, à sa seconde fiancée, à bien d’autres encore. Il n’est pas jusqu’à un certain bailli d’Eisleben, homme honorable mais obscur, à qui en une déclaration enflammée il n’ait fait hommage de son meilleur « moi ». « Rien ne m’inspirait plus d’orgueil » lui écrit-il un jour, « rien n’était plus ardemment souhaité par moi aux heures du plus chaud enthousiasme que l’amitié d’hommes généreux et spirituels… Votre connaissance, très cher M. le bailli, a comblé tous mes vœux et, encore qu’elle ait été de courte durée, elle a suffi pour se graver en mon âme en des traits ineffaçables… Prenez ce que je vous écris pour un épanchement intime de mon sentiment que je ne puis maîtriser. »[1]

Cependant le baron von Hardenberg n’avait pas lieu d’être satisfait de son fils. On lui avait sans doute rapporté qu’en avril 1791, dans le « Mercure allemand », avait paru, sous le patronage de Wieland, une petite poésie élégiaque intitulée « Les plaintes d’un jeune homme » et signée des initiales, transparentes pour les initiés « v. H-g ». Peut-être savait-il aussi que son fils, désertant les cours de la Faculté de droit, perpétrait un drame intitulé « Kunz von Stauffun-

  1. Nachlese, etc., p. 23.