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Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/34

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AGAR

tout ce charme de l’enfance, toute cette passion de mère vient de vous. Ah ! que le vent de la tombe ne souffle pas si tôt sur Ismaël, qu’il ne me soit pas si tôt enlevé. Mon Dieu ! laissez-le-moi jusqu’à ce que je meure. Ah ! le fils ne doit pas précéder la mère dans le cercueil… Rocher dont il jaillissoit peut-être jadis une source salutaire, que ton aspect est sauvage ! Immobile nature, je suis seule avec toi… Ai-je entendu quelque bruit ? non, non, personne ne m’a répondu. Il y avoit, tout à l’heure, une voix d’enfant qui me disoit : ma mère ! Mais cette voix-là, je ne l’entendrai plus. Je ne suis plus mère. Mon fils, mon unique ami ! du moins je te suivrai bientôt, je souffre aussi comme toi ; cette soif qui t’a dévoré me consume : cette mort qui plane sur ta tête, elle étend aussi sur moi ses ailes noires. Bienfaisante mort, tu sais qu’on ne peut survivre à ce qu’on aime ! Ô terre ! mon unique asile ; poussière des morts, tu ne frémis pas de pitié pour les vivans. N’importe, il faut bien que tu me reçoives. Oui, mon Dieu, vous m’exaucez, vous ne me rendez pas mon fils, mais vous me rappelez à vous ; je succombe, le terme de mes jours approche… Ô ma patrie ! Égypte, fertile Égypte, est-ce toi que je vais revoir ? les souvenirs de l’enfance se