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Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/57

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rêt solitaire qui ne reconnoît aucun maître, je me considère encore comme votre sujet.

GENEVIÈVE.

Geneviève n’est rien qu’une pauvre femme errante avec sa fille, sans secours et sans appui ; et celui qui doit la protéger, s’il vit encore, ordonneroit peut-être une seconde fois sa mort. Mon père, si l’histoire de ma vie vous paroît sans reproche, c’est alors seulement que vous pourrez me respecter.

Je suis l’épouse de ce vaillant Sigefroi dont les exploits vous sont connus. Je l’aimois avec tendresse, avec passion. Son caractère avoit quelque chose de sombre et de sévère qui sembloit donner un nouveau prix à l’amour qu’il me témoignoit. Je le révérois comme mon souverain, je le chérissois comme mon époux ; et quand l’admiration se mêle à l’amour, peut-être ce sentiment devient-il trop fort pour mériter la protection du ciel. Dieu ne renonce point au cœur de sa créature : il daigne en être jaloux. Un fils vint resserrer les nœuds qui m’unissoient à Sigefroi ; j’ai joui quatre ans de ces affections de la nature, si belles dans tous les âges, si délicieuses dans la jeunesse. Quand le jour finissoit, je le regrettois comme un ami qui s’éloignoit de moi. Hélas ! j’avois raison :