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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/123

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DELPHINE.

écrire à sa mère pour lui déclarer formellement son intention, et il sollicita de moi la promesse de m’unir à lui, quelle que fût la réponse d’Espagne, au moment où elle serait arrivée. Je consentais avec transport au bonheur de ma vie, quand tout à coup je réfléchis que cette demande ne pouvait s’accorder avec la résolution que j’avais formée de confier mon secret à madame de Vernon avant d’avoir pris aucun engagement. La délicatesse me faisait une loi de ne donner aucune réponse décisive sans lui avoir parlé. Je ne voulus pas dire à Léonce ma résolution à cet égard, dans la crainte de l’irriter ; je lui répondis donc que je lui demandais de n’exiger de moi aucune promesse avant son retour. Il recula d’étonnement à ces mots, et sa figure devint très-sombre ; j’allais le rassurer, lorsque tout à coup ma porte s’ouvrit, et je vis entrer madame de Vernon, sa fille et M. de Fierville. Je fus extrêmement troublée de leur présence, et je regrettais surtout de n’avoir pu m’expliquer avec Léonce sur le refus qui l’avait blessé. Madame de Vernon ne m’observa pas, et s’assit fort simplement, en m’annonçant qu’elle venait me chercher pour dîner chez elle : Mathilde eut un moment d’étonnement lorsqu’elle vit Léonce chez moi ; mais cet étonnement se passa sans exciter en elle aucun soupçon : la lenteur de ses idées et leur fixité la préservent de la jalousie. « À propos, me dit madame de Vernon, est-il vrai que M. de Serbellane part après-demain pour le Portugal ? » Je rougis à ce mot extrêmement, dans la crainte qu’il ne compromit Thérèse, et je me hâtai de dire qu’il était parti ce matin même. Léonce me regarda avec une attention très-vive, puis il tomba dans la rêverie. Je sentis de nouveau le malheur du secret auquel j’étais condamnée, et je tressaillis en moi-même, comme si mon bonheur eût couru quelque grand hasard. Madame de Vernon me proposa de partir ; elle insista, mais faiblement, pour que Léonce vint chez elle : M. Barton l’attendait, il refusa. Comme je montais en voiture, il me dit à voix basse, mais avec un ton très-solennel : « N’oubliez pas qu’avec un caractère tel que le mien, un tort du cœur, une dissimulation, détruirait sans retour et mon bonheur et ma confiance. » Je le regardai pour me plaindre, ne pouvant lui parler, entourée comme je l’étais ; il m’entendit, me serra la main, et s’éloigna ; mais, depuis, une oppression douloureuse ne m’a point quittée.

Il est enfin convenu que demain au soir madame de Vernon me recevra seule. Avant cette heure, Thérèse et son amant se, seront rencontrés chez moi : c’est trop pour demain. J’ai vu ce soir Thérèse ; elle savait ma promesse par un mot de M. de