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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/184

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DEUXIÈME PARTIE.

avertissements vous sont nécessaires, et c’est cette conviction qui me fait solliciter votre confiance. On vous l’aura dit, je crois ; d’ordinaire, je ne me mets pas en avant : je suis sur la défensive avec la société, et c’est ainsi qu’il faut être. Je m’offre à vous cependant, ma chère Delphine, parce que vous avez un caractère qui donne tout et n’abuse de rien : servez-vous donc de moi, si je puis vous être utile ; ce sera ce que je pourrai faire de mieux de mon oisive existence. »

Madame d’Albémar parut fort touchée des preuves d’amitié que je lui donnais, et je croyais même l’avoir un peu ébranlée dans son aveugle amitié pour madame de Vernon ; mais le surlendemain, elle est revenue chez moi presque uniquement pour me dire qu’elle avait revu depuis moi madame de Vernon, et s’était assurée qu’elle n’avait aucun tort. « Elle n’aurait pu me défendre, continua madame d’Albémar, sans compromettre mes amis ; elle a bien fait de se conduire avec prudence, et de ne pas se livrer à son sentiment. » Je vous le répète, ma chère nièce, on ne peut arracher madame d’Albémar à l’empire de madame de Vernon.

Je l’ai souvent remarqué en vivant dans leur société, madame de Vernon met beaucoup d’intérêt à captiver Delphine ; elle est avec elle fière, sensible, délicate ; elle rend hommage au caractère de son amie, en imitant toutes les vertus pour lui plaire. Moi, je ne puis ni ne veux me montrer autrement que la nature ne m’a faite, bonne et raisonnable, mais point du tout exaltée. Je vaux mieux réellement que madame de Vernon ; Delphine a tort de ne pas s’en apercevoir.

J’obtiendrai cependant un jour l’amitié de madame d’Albémar, si quelques circonstances me mettent dans le cas de la servir ; je vous promets que je veillerai sur elle comme sur ma fille. Vous aussi, ma chère nièce, vous allez devenir l’objet de tous mes soins, si vous continuez à m’écouter et à me croire.

LETTRE XIV. — DELPHINE À MADEMOISELLE D’ALBÉMAR.
Paris, ce 3 septembre.

Non, vous l’exigez en vain ; non, je n’ai pas la force de souffrir une telle incertitude ; qu’il me dise ce qu’il éprouve, que je connaisse la cause de l’état extraordinaire où je le vois, et je me soumets à mon sort ; mais le doute, le doute ! cette douleur