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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/288

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TROISIÈME PARTIE.

te trompes ! Mais enfin tu dirais vrai, que moi, l’amant qui t’adore, je te préserverai, si ton cœur se confie au mien ; je respecterai ta vertu, ta céleste délicatesse, tout ce qui fait de toi l’ange des anges ! Je veux que ton image reste en tout semblable à celle qui remplit maintenant mon cœur ; et la plus légère altération dans tes qualités me causerait une douleur que toutes les jouissances de l’amour ne pourraient racheter. Vous protégez Mathilde, je m’occuperai attentivement de son bonheur ; vous connaissez son caractère, son genre de vie, la nature de son esprit ; vous savez combien il est aisé de lui cacher ce qui se passe dans le monde et même autour d’elle : je la rendrai plus heureuse par les soins que je croirai lui devoir en compensation du bonheur que je goûterai sans elle ; je la rendrai plus heureuse en réparant ainsi les torts qu’elle ignorera, que si, l’âme déchirée, je traînais quelque temps encore loin de vous une vie de désespoir. Delphine, tout est prévu, j’ai répondu à tout, il ne reste plus de défense à votre cœur, mon innocente prière ne peut plus être refusée.

Me condamneriez-vous à repousser un soupçon que vous me faites entrevoir ? Vous avez le droit de m’accabler de mes défauts, après le malheur dans lequel ils m’ont précipité ; cependant deviez-vous me dire que je vous aimerais moins si votre réputation était altérée, si elle l’était par votre condescendance même pour mon bonheur ? Mon amie, rejette loin de toi ces craintes indignes de tous deux ; laisse-moi passer chaque jour une heure auprès de toi ; le charme de cette heure se répandra sur le reste, de ma vie ; je l’attendrai, je m’en souviendrai ; mon sang, en circulant dans mes veines, ne m’y causera plus une douleur brûlante. Je pourrai penser, agir, faire du bien aux autres, remplir les devoirs de ma vie, et mourir regretté de toi. Je vais porter cette lettre à votre porte, l’espérance me ranime ; si tu as dit vrai, Delphine, si nos cœurs se devinent encore, cette espérance est le présage assuré de ta réponse.

À onze heures du soir.

J’arrive chez vous et j’apprends que vous êtes partie. Partie ! et l’on ne veut pas me dire par quelle route ! Qu’espèrent-ils ceux qui s’obstinent à garder ce barbare silence ? pensent-ils que sur la terre je ne saurai pas vous trouver ? Si cette lettre vous arrive avant moi, préparez votre cœur, votre cœur, quelque dur qu’il soit, à beaucoup souffrir ; car vous serez inflexible, je dois le croire à présent, et néanmoins il est des événements