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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/401

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DELPHINE.

m’endormis parfaitement tranquille, assurée que j’étais de l’approbation de Léonce pour une action généreuse, alors même que son rival en était l’objet.

Ce matin, mademoiselle d’Albémar est entrée dans ma chambre, et j’ai compris à l’instant même, en la voyant, qu’elle avait à m’annoncer un grand malheur. « Qu’est-il arrivé ? me suis-je écriée avec effroi. — Rien encore, me dit-elle ; mais écoutez-moi et voyez si vous avez quelques ressources contre le cruel événement qui nous menace. » Alors elle m’a raconté qu’elle avait découvert, par quelques mots de M. de Valorbe, qu’il avait rencontré Léonce cette nuit même ; mais comme il ne voulait pas lui confier ce qui s’était passé, elle a écrit, à huit heures du matin à M. de Mondoville, de manière à lui faire croire qu’elle savait tout, et qu’il était inutile de lui rien cacher. Sa réponse contenait les détails que je vais vous dire.

Hier, en sortant du bal, Léonce, impatienté de ce que la foule empêchait sa voiture d’avancer, se décida à l’aller chercher à pied au bout de la rue ; il éprouvait, il en convient, beaucoup d’humeur de ce que diverses personnes lui avaient annoncé mon mariage avec M. de Valorbe comme très-probable. Dans cette disposition, cependant, il se faisait plaisir encore, dit-il, de revoir ma maison pendant mon sommeil, et choisit à dessein le côté de la rue qui le faisait passer devant ma porte : il était alors une heure du matin. Par un funeste hasard, au moment où il approchait de chez moi, M. de Valorbe, se dérobant avec soin à tous les regards, enveloppé de son manteau, se glisse le long du mur, frappe à ma porte, et dans l’instant on l’ouvre pour le recevoir. Léonce reconnut Antoine, qui tenait une lumière pour éclairer à M. de Valorbe. Léonce l’a dit, je le crois, il ne lui vint pas seulement dans la pensée que je pusse être d’accord avec M. de Valorbe ; mais, convaincu que sa conduite avait pour but quelques desseins infâmes, il s’élança sur lui avant qu’il fût entré chez moi, le saisit au collet, et, le tirant violemment loin de la porte, il lui demanda avec beaucoup de hauteur quel motif le conduisait, à cette heure et ainsi déguisé, chez madame d’Albémar. M. de Valorbe, irrité, refusa de répondre ; Léonce, dans le dernier degré de la colère, le saisit une seconde fois et lui dit de le suivre, avec les expressions les plus méprisantes. M. de Valorbe était sans armes ; la crainte d’être découvert lui revint à l’esprit ; il répondit avec assez de calme à M. de Mondoville : « Vous ne doutez pas, je le pense, monsieur, qu’après l’insulte que vous m’avez faite, votre mort ou la mienne ne doive terminer cette affaire ; mais