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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/406

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QUATRIÈME PARTIE.

de lui dire ce que je croyais alors, et ce dont M. de Mondoville était persuadé comme moi, c’est que cet homme était un de ses gens qui s’approchait de lui pour lui annoncer sa voiture, et qui n’avait pas eu la moindre idée de ce qui s’était passé. M. de Valorbe parut réfléchir un moment à cette réponse, et me dit ensuite : « Eh bien, madame, si personne ne nous a ni vus ni entendus vous ne serez point compromise, quoi qu’il puisse arriver entre M. de Mondoville et moi. » Je n’avais pas prévu ce raisonnement, et je crois encore ce que je soupçonnai dans le moment même : c’est que M. de Valorbe eut besoin de se recueillir pour ne pas me laisser apercevoir qu’il était adouci par l’idée que personne n’avait été témoin de sa querelle avec Léonce ; néanmoins, quelle que fût la pensée qui traversa son esprit, il voulut rompre la conversation, et se leva pour appeler mademoiselle d’Albémar.

Elle vint ; je ne savais plus que devenir, un froid mortel m’avait saisie ; je voyais devant moi celui qui voulait tuer ce que j’aime, et ma langue se glaçait quand je voulais l’implorer. Un billet de votre mari me fut apporté dans cet instant ; il me disait qu’il était vrai que les charges contre M. de Valorbe étaient très-sérieuses, qu’il importait extrêmement qu’il quittât Paris sans délai, et que ce soir à la nuit tombante il lui apporterait un passe-port sous un faux nom, qui lui permettrait de s’éloigner : il se flattait ensuite de parvenir à faire lever le mandat d’arrêt de M. de Valorbe ; mais il insistait beaucoup sur l’importance dont il était pour lui de n’être pas pris dans ce moment de fermentation. Je me hâtai de donner ce billet à M. de Valorbe, et j’eus tort de ne pas lui cacher le mouvement d’espoir que j’éprouvais, car il s’en aperçut ; et, s’offensant de ce que je pouvais supposer que les dangers dont on le menaçait auraient de l’influence sur lui, il rentra dans sa chambre précipitamment, et en sortit peu d’instants après avec une lettre pour M. de Mondoville : il la remit à un de mes gens, et lui dit assez haut pour que je l’entendisse de la porter à son adresse. Il revint ensuite vers nous ; ma pauvre belle-sœur était tremblante, et je me soutenais à peine.

On annonça qu’on avait servi ; nous allâmes à table tous les trois. M. de Valorbe nous regardait tour à tour, Louise et moi, et le spectacle de notre douleur lui donnait assez d’émotion, quoiqu’il fît des efforts pour la surmonter : il parla sans cesse pendant le dîner avec plus d’activité peut-être qu’on n’en a dans une résolution calme et positive ; il s’exaltait d’une manière extraordinaire par ses propres discours et par le vin qu’il