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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/100

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nimité, le déserteur fut déclaré coupable d’un crime pour ainsi dire inconnu cihez les Vouanyamouézi ; crime d’autant plus grave qu’il pouvait discréditer les pagazis de cette nation. En conséquence le dit coupable devait être fouetté « avec le fouet du Grand-Maître, celui que ce dernier employait pour les ânes. »

Je fis attacher Khamisi ; et considérant que, par sa faute, il avait nui ans porteurs dans leur réputation, aux soldats et à mister Shaw dans l’estime du maître, qui les avait taxés de négligence, il fut résolu que chacun des susnommés lui donnerait un coup de fouet, correction qu’il reçut en pleurant de chagrin.

Un instant après arrivèrent des Vouangouana, qui m’apportaient une longue et bonne lettre de mister Webb, et un paquet de journaux, dont le plus récent était du 4 février. Parmi les nouvelles que je trouvai dans l’Hérald : actes du Congrès et de la chambre du New-York, faits divers, récits de crimes effroyables, était le compte rendu de la deuxième soirée du président ; un long rapport, dans lequel mon ami Jenkins avait décrit, avec une savante prolixité, les toilettes qui se remarquaient à cette réunion ; comment une plume d’autruche, d’un lilas bleuâtre, ondulait parmi les cheveux gris, aux boucles si gracieuses, de missis D… comment l’élégance de missis K… était complétée par des diamants comment la jupe de telle autre avait pour bordure des ruches de satin cramoisi ; comment à chacun de ses gestes, à chacun de ses mouvements, une autre belle, en traîne de velours pourpre, faisait jaillir mille feux de ses pierreries ; comment le président, avec sa voix mâle et vibrante, ses yeux gris et scrutateurs, s’était sacrifié, en cette occasion, au peuple souverain, etc., etc., de la même forme adulatrice.

Détachant mes yeux de cette chronique intéressante, je vis à ma porte les sombres filles du village, qui se perdaient en conjectures à l’égard de ces immenses feuilles de papier, sur lesquelles je m’étais penché si longtemps. Absorbé par la description de Jenkins et frappé du tableau qui était devant moi, il me fallut un violent effort pour me rappeler quelles étaient ces femmes en grande toilette, et pour comprendre où était la différence entre « une blonde à la chevelure opulente où brillent des reflets d’or, blonde aux yeux limpides, dont l’éclat rivalise avec ceux des diamants, » et cette noire beauté de douze ou treize ans, jeune fille en train de s’épanouir, ayant, au sommet de la tête, une crête de frisons laineux, derrière elle une redondance voilée de deux mètres de calicot, trois livres pesant de fil de laiton à chaque