Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui venaient par la route, et qui de temps en temps regardaient la terre, comme des gens qui observent une piste.

C’étaient ceux que nous attendions. « Maîtres, que je leur criai donc, après les avoir hélés, qu’est-ce que vous cherchez comme cela ? — Nous cherchons, qu’ils me dirent, un homme qui a déserté notre maître ; voilà ses pas ; s’il y a longtemps que vous êtes là, vous avez dû le voir. Pourriez-vous nous dire où il est ? — Oui, que nous leur répondons ; il est chez nous ; si vous voulez venir, nous vous le rendrons ; mais votre maître nous récompensera pour l’avoir pris. »

Oulédi et Sarmian n’avaient eu dès lors qu’à suivre le couple, qui lui avait rendu le fugitif et les avait accompagnés. Mon déserteur fut mis aux fers, après avoir reçu vingt-quatre coups de fouet. Quant au bon chef, je lui donnai quatre mètres d’étoffe, et à sa femme cinq rangs de perles rouges, dites de corail ou samé samé.

L’averse que nous venions de subir devait clore la saison. La première avait eu lieu le 23 mars, nous étions au 30 avril. Ainsi la masika avait duré trente-neuf jours. C’était le chiffre que nous avaient annoncé les voyants de Bagamoyo. « Pendant quarante jours, nous avaient dit solennellement ces prophètes, l’eau tombera d’une manière incessante. »

En somme, il n’y avait eu que dix-huit jours de pluie. Néanmoins nous fûmes enchantés d’en être quittes. Nous étions las d’être obligés tous les soirs de sécher les bagages, de graisser les outils, les armes, tout ce qui était en fer, et de voir malgré cela tout se gâter rapidement.

Le 1er mai nous rebarbotions dans l’eau et dans la fange ; tous plus ou moins malades, plus ou moins exténués. Shaw avait toujours la fièvre ; et, de plus en plus maussade, il exprimait les vœux les moins flatteurs à portée agaçante de notre oreille. Il devenait hypocondre, caractère qui, peu aimable en tout pays, est positivement odieux sous la pluie et dans les marais d’Afrique.

Zaïdé avait la petite vérole ; Bombay était pris de kichouma-chouma, littéralement les petits fers, qui lui tenaillaient la poitrine, et le rendaient le plus inutile des inutiles[1]. Mabrak, jeune

  1. Burton écrit Kichyoma-chyoma. Ce sont des spasmes affreux, d’horribles crampes. « Une troisième attaque eut toute l’apparence d’un accès d’hydrophobie, » dit Burton en décrivant ce mal atroce, dont le capitaine Speke était frappé. « La légion infernale était revenue, ajoute le narrateur ; le malade se croyait en proie à des monstres armés de griffes, qui lui arrachaient les nerfs depuis la ceinture jusqu’à là cheville. » (Voir