Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les premières paroles qui frappèrent mon oreille dans cette province sortirent de la bouche d’un homme d’un certain âge, aux formes robustes, qui soignait des vaches avec indolence, mais qui, à mon approche, témoigna vivement de l’intérêt qu’avait pour lui cet étranger vêtu de flanelle blanche et coiffé d’un liège, breveté contre le soleil. Dès qu’il m’aperçut : « Yambo, Mousoungou ; Yambo, bana, bana, » s’écria-t-il d’une voix qu’on put attendre d’un mille.

L’effet produit fut électrique ; à peine ce nom de Mousoungou eut-il été proféré que tout le village fut en rumeur. L’émotion gagna de proche en proche ; toutes les bourgades, échelonnées près de la route, furent en proie à la même frénésie. Une foule ardente, hommes, femmes et enfants, tous presqu’aussi nus qu’Adam et Ève à leur premier matin, suivirent le Mousoungou en se poussant, en se battant, en se bousculant pour le mieux voir. C’était la première fois qu’un blanc était vu dans cette partie de l’Ougogo. Des cris de surprise, tels que : Haï li-i-i ! » éclataient au milieu du tumulte, et frappaient mon oreille, qui les trouvait impertinents. Un respectueux silence, tout au moins de la réserve, eût gagné mon estime. Mais vous, ô pouvoirs qui faites observer l’étiquette dans le pays des Vouasoungou, respect, réserve, estime, dignité personnelle, vos noms même sont inconnus dans ce lieu sauvage.

Jusque là je m’étais comparé à un marchand de Bagdad arrivant chez les Kourdes, et leur vendant ses soieries de Damas, ses Kéfiehs et autres objets de luxe ; il fallait maintenant en rabattre et me placer au niveau des singes d’un jardin zoologique.

Un de mes hommes les pria de crier moins fort ; on lui ferma la bouche comme à un être indigne de parler à des Vouagogo. Je me tournai vers mes Arabes et leur demandai conseil. « Laissez-les faire, me dit le vieux Thani, toujours sage. Ce sont des chiens qui ne font pas qu’aboyer, ils mordent. »

À neuf heures nous étions dans notre camp, près du village de Mvoumi. Les curieux arrivaient toujours ; malgré la palissade épineuse ils se pressaient pour entrevoir le Mousoungou, dont la présence était maintenant connue dans tout le canton. Mais bientôt j’oubliais les curieux et leurs efforts ; car en dépit de la quinine, la fièvre m’avait ressaisi.

Le lendemain nous franchîmes les huit milles qui nous séparaient du Mvoumi-Occidental, village qu’habitait le chef du district. L’abondance et la variété des provisions qui affluèrent dans notre