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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/177

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dont il est encombré, témoignent de la violence de son cours ; leurs angles sont usés, leur surface est polie. De profonds bassins ont été creusés dans la roche où le torrent s’est fait un canal, et servent de réservoirs pendant la saison sèche. Bien qu’elle soit visqueuse et verdâtre, et abondamment peuplée de grenouilles, l’eau de ces bassins est loin d’avoir mauvais goût.

La marche fut reprise à midi, au son des trompes, au bruit des chants et des cris de toute la bande. Porteurs, esclaves et soldats, faisant assaut de poumons, ébranlaient la forêt du tonnerre de leurs voix.

Je n’avais pas encore vu de paysage aussi pittoresque depuis que j’étais en Afrique. D’énormes ondulations de terrain ; ça et là des collines, et des rochers de syénite, figurant d’anciennes forteresses, qui donnaient au bois un aspect fantastique. On aurait cru voir un coin de l’Angleterre à l’époque féodale. Tantôt des blocs arrondis, posés les uns sur les autres, paraissaient devoir s’agiter au souffle du vent ; tantôt des obélisques dominaient les plus grands arbres ; puis des cônes, des tours, de grandes vagues de pierre, et des entassements de roches brisées, qui prenaient des proportions de montagnes.

Il était près de cinq heures, lorsqu’on arriva. Nous avions fait vingt milles ; tout le monde avait besoin de repos.

À une heure, la lune étant levée, Hamed sonna du cor et nous cria : « En marche ! » Évidemment il était fou. Un murmure de profond mécontentement répondit à son appel. Néanmoins, présumant qu’il avait pour nous réveiller à cette heure indue quelque bonne raison, cheik Tani et moi nous ne lui fîmes pas de remontrances, attendant ce qui arriverait pour juger de sa conduite.

Toute la bande était maussade ; la marche fut silencieuse. Nous étions à quatre mille cinq cents pieds au-dessus de la mer, et le thermomètre ne marquait pas douze degrés. La rosée était froide comme du givre ; les porteurs, presque nus, hâtaient le pas pour se réchauffer ; beaucoup d’entre eux se blessèrent en se heurtant les pieds contre le roc, ou en marchant sur des épines.

Arrivés à Ounyambogi, nous nous jetâmes par terre ; et chacun de s’endormir. Pour moi, ce fut d’un profond sommeil, ne songeant pas à ce que l’aurore nous réservait.

    de l’endroit où il a été franchi par Stanley, jusqu’à celui où Burton l’a rencontré, la Maboungourou, d’après les renseignements recueillis par Speke, va directement au sud, puis au sud-est et gagne le Kisigo, affluent du Roufidji. (Note du traducteur.)