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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/19

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CHAPITRE II

Zanzibar.


Zanzibar est l’une des îles les plus riches de l’océan Indien. Je m’en faisais une idée toute différente ; je me la représentais comme un banc de sable, moucheté d’une ou deux petites oasis ; comme un lambeau du Sahara entouré d’eau de mer, couvant la fièvre, le choléra, des maux sans nombre et sans nom, peuplé d’hommes noirs, ignorants et lippus, dont l’aspect rappelait le gorille, et gouvernés par un Arabe despotique et brutal.

Comment l’avais-je ainsi défigurée dans mon esprit ? Je ne puis le comprendre. J’avais lu sur cette île des articles et des livres qui ne lui étaient nullement défavorables ; cependant elle flottait dans mon cerveau comme un point du globe, dont la disparition eût été pour le monde un bénéfice réel. Je n’en suis pas sûr, mais je crois avoir puisé cette impression, ainsi que beaucoup d’autres idées bizarres, dans le Voyage aux grands lacs du capitaine Burton.

Bien que parfaitement fait et très-véridique, ce livre est empreint d’une certaine amertume ; et je pense qu’il y eut en moi un rejaillissement de la bile qu’il renferme ; car, en le lisant, je me vis entraîné par un courant funeste vers la région des fièvres éternelles, région qu’un pressentiment sinistre me disait être sans retour. Mais salut à l’aurore qui dissipe l’effroi d’une nuit de cauchemar ! Salut au doux message, qui apporte de bonnes nouvelles ! Salut au rivage fertile qui me dit : « Espère : les choses sont rarement aussi mauvaises qu’on les dépeint.

Nous traversions le canal qui sépare l’île du continent ; c’était au point du jour. Les hautes terres de la côte africaine apparaissaient, dans l’aube grisâtre, comme une ombre allongée. Zanzibar, que nous avions à notre gauche, à un mille de distance, sortit peu à peu de son voile de brume, et finit par se montrer