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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/213

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aux peuplades que nous avions rencontrées jusqu’alors. Il y a dans leur front quelque chose de léonin ; leur physionomie est intelligente, leurs yeux sont grands et largement ouverts, leur peau d’un brun foncé est d’un ton riche. Ils ont, il est vrai, le nez épaté, les lèvres grosses ; mais pas de cette façon monstrueuse que nous supposons chez tous les nègres.

En somme, bien qu’il soit violent jusqu’à être féroce, capable de tout quand la passion l’entraîne, le Mgogo nous attire. Il est fier de son chef, fier de son pays aride et sans beauté, fier de lui-même, de ses exploits, de ses armes, de tout ce qui lui appartient. Il est vaniteux, bravache, égoïste, dominateur, mais susceptible d’affection et de dévouement. Il se donnera de la peine pour le seul plaisir d’obliger ceux qu’il aime, et cependant le vice de son caractère, ce qui le place sous un mauvais jour aux yeux du voyageur, c’est son âpreté au gain.

Avec son aspect menaçant, sa nature exubérante, emportée, fière, hautaine, querelleuse, ce brutal devient un enfant pour l’homme qui cherche à le comprendre et qui l’étudie sans le blesser. Il est d’un amusement facile ; tout l’intéresse ; sa curiosité s’éveille promptement ; et, nous le répétons, avec la conscience de sa force et de la faiblesse de l’étranger, il a assez de raison pour dominer sa convoitise, pour comprendre que toute violence à l’égard d’un voyageur détournerait les caravanes, priverait ses chefs d’une partie de leurs revenus et le pays de ses bénéfices[1].

Ses armes, composées d’un arc et de flèches aiguës, à pointe fourchue en arrière et cruellement barbelée ; d’une couple d’asségayes ; d’une lance, dont le fer de plus de deux pieds de long ressemble à une lame de sabre ; d’une hache d’armes et d’une petite masse appelée roungou, sont faites avec beaucoup d’art. Exercé à les manier dès l’enfance, à quinze ans il est habile à s’en servir.

Doit-on se battre, le messager du chef court d’un village à l’autre, en soufflant le bruit de guerre dans sa corne de bœuf. À cet appel le Mgogo jette sa houe sur son épaule, revient à sa hutte et ressort l’instant d’après en costume de combat : des plumes d’autruche, d’aigle ou de vautour se balancent sur sa tête ; un long manteau rouge flotte derrière lui. À son bras gauche

  1. Voir dans Burton (Voyage aux grands lacs). pages 659 et suivantes, ce qui est relatif au gouvernement de ces peuplades, et pages 384 et 663, ce qui forme la liste civile dos chefs. (Note du traducteur.)