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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/219

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CHAPITRE IX

Dans l’Ounyanyembé.


Kouikourou, capitale de l’Ounyanyembé, était la résidence de Mkasihoua, chef des Vouanyamouézi de cette province. Séid ben Sélim, gouverneur de la colonie arabe, l’habitait également et me pria de l’accompagner à sa demeure.

Sur notre passage, la foule était compacte. Les pagazis par centaines, les guerriers et leur chef, les enfants, noirs chérubins, entre les jambes de leurs parents, jusqu’aux bébés suspendus au dos de leurs mères, tous payaient de leurs regards fixes le tribut qui était dû à ma couleur. Mais l’ovation était muette : seuls, le vieux chef et les Arabes m’adressaient la parole.

La maison de Ben Sélim occupait l’angle nord-ouest d’un enclos situé dans le village, et protégé par une forte estacade. Le thé y fut servi dans une théière en argent, accompagnée d’une cloche de même métal, sous laquelle fumait une pile de crêpes. Je fus convié à en prendre ma part. Un homme qui a fait à jeun huit milles en plein soleil, et qui naturellement a bon appétit, est dans d’excellentes conditions pour faire honneur au repas qu’on lui offre. Je dois avoir surpris mon hôte par l’aisance avec laquelle j’avalai onze tasses de son breuvage aromatique — une infusion d’une herbe d’Assam — et par la dextérité que je mis à démolir sa pile de crêpes fumantes.

Le repas terminé, je remerciai le gouverneur avec toute l’effusion d’un estomac naguère aux abois, et qu’on vient de satisfaire. N’eussé-je rien dit, que mes regards reconnaissants auraient témoigné à ben Sélim tout ce dont je lui étais redevable.

Quand j’eus exprimé ma gratitude, je pris ma pipe et mon tabac.

« Ami cheik, veux-tu fumer ? dis-je à mon hôte.

— Merci ; les Arabes ne fument pas.