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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/222

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Après avoir franchi une petite rampe, nous aperçûmes Kouihara entre deux rangées de collines ; celle du nord est flanquée d’une petite montagne ronde qui simule un fort détaché et qu’on appelle le Zimbili. Des torrents de lumière inondaient la vallée, dont l’éclat était froid. Sans doute effet d’automne, effet des herbes sèches, blanchies par le soleil ; mais une pâleur dont rien ne rompait la monotonie. Les chaumes, les collines, les maisons de terre, les huttes en paille, les estacades faites de bois écorcé, tout de la même nuance ; une blancheur roussâtre, sous un ciel presque blanc. De temps à autre, un vent froid et malsain, tombant de l’Ousagara, vous glaçait jusqu’à la moelle ; la clarté ne variait pas. Une vache noire, çà et là un arbre de haute venue saisissait l’œil un instant, mais sans détruire la première impression : celle d’un tableau incolore ou d’un aliment insapide. Leviez-vous la tête, le ciel à peine bleu était sans tache et d’une sérénité effrayante.

Comme nous approchions du tembé, nous fûmes rejoints par quelques Arabes de distinction. Devant la grand’porte, mes pagazis, à côté de leurs ballots, faisaient courir les paroles à toute

    prement parler le nom d’une fontaine située au centre du village de Tabora. » Onze ans s’étaient écoulés depuis le dernier passage du capitaine, quand arriva Stanley. Le tembé de Snay ben Amir et celui de Mousa n’existaient plus ; la fontaine avait pu disparaître, ce n’était probablement d’ailleurs qu’une citerne ; dans tous les cas, il n’en était plus question. L’Ounyanyembé n’est pas une colonie où l’Arabe s’établit définitivement ; c’est un comptoir d’où il s’en va quand les affaires sont achevées, n’y laissant ni famille, ni serviteurs. Les Indigènes ont eux-mêmes une vie errante ; et il n’est pas étonnant que Stanley, ayant demandé le village de Kazeh, n’ait trouvé personne qui pût lui répondre. La note de Speke, en lui faisant modifier sa question, lui eût sans doute fait trouver les renseignements qu’il cherchait. Il eût d’ailleurs pu savoir à quoi s’en tenir, la carte du Voyage aux sources du Nil portant : Kazeh ou Tabora. (Voir, pour l’origine de cet établissement et pour sa situation en 1858, le Voyage aux grands lacs, pages 282 et suivantes ; et pour Mousa Mzouri, pages 543-545, et 548.) Si nous avons donné cette longue explication d’un fait, qui tout d’abord parait bizarre, c’est que persuadée que nous sommes de la profonde sincérité des voyageurs (nous parlons des hommes sérieux qui sacrifient leur repos, leur fortune, leur santé, souvent leur vie, au désir de connaître, c’est-à-dire à la passion du vrai), convaincue, disons-nous, de leur sincérité, il nous serait pénible de voir l’oubli du nom de Kazeh servir d’argument à ceux qui doutent de la parole des gens qui viennent de loin. Dans notre longue étude des relations de voyage, nous avons trouvé plus d’une fois, entre les écrits des hommes qui avaient passé aux mêmes lieux, des contradictions flagrantes ; elles nous ont toujours été expliquées, soit par des erreurs inévitables, au moins permises, soit par l’emploi d’un terme générique trop largement appliqué, soit par d’autres causes dont nous ne pouvons donner ici le détail ; et la véracité des voyageurs est toujours sortie victorieuse de nos recherches. Cette véracité, arrivée au scrupule, devient même une source d’erreur. « Je crains tellement d’exagérer, dit Livingstone, que je reste au-dessous du réel ; plus d’une fois j’en ai eu la preuve. » (Note du traducteur.)