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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/247

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Si Livingstone est dans l’Oujiji, il ne peut pas plus en sortir que moi de l’Ounyanyembé. La guerre qui me retient à Kouihara lui ferme la route de Zanzibar, et la pauvreté lui interdit celle du Nil. Avec des forces suffisantes, il pourrait peut-être rejoindre Baker, en traversant l’Ouroundi, le Rouanda, le Karagoueh, l’Ouganda, l’Ounyoro et l’Oubari jusqu’à Gondokoro, mais il ne peut pas former de caravane, puisque ses valeurs sont avec les miennes ; et quelle que soit son énergie, il lui est impossible de traverser l’Afrique sans moyens d’existence.

Comme il se dirigeait vers le Tanganika, en venant du Nyassa, Livingstone, d’après, un homme que j’ai vu ce matin, a rencontré la caravane de Séid ben Omar, qui se rendait dans l’Oulamba. C’était à l’époque où l’on a dit qu’il avait été assassiné. Il voyageait alors avec Mohammed ben Ghérib. Celui-ci, qui venait de l’Ouroungou, avait trouvé le docteur dans le pays de Chi-Cambi ou Koua-Chi-Kambi ; ils se rendirent ensemble dans le Manyéma, province qui est à quarante marches de la rive nord du Nyassa. Livingstone voyageait à pied et vêtu de calicot américain. Toute son étoffe avait été perdue dans la traversée du Liemba. Il était sur ce lac avec trois pirogues ; dans l’une se trouvaient ses caisses et plusieurs de ses hommes ; il en montait une autre avec ses domestiques et deux pêcheurs : la troisième portait sa cotonnade et chavira. Du Nyassa il avait gagné l’Oubissa, puis l’Ouhemba, et ensuite l’Ouroungou. Il était coiffé d’une casquette, avait deux revolvers, une carabine à deux coups se chargeant par la culasse, et des balles explosibles.

Les Vouahiyou qui étaient avec Livingstone ont dit, à celui qui m’a donné ces détails, que leur maître avait eu d’abord une suite nombreuse, mais qu’un grand nombre de ses gens avaient déserté.

13 août. Une caravane est arrivée aujourd’hui, venant de la côte ; elle m’a appris la mort de Farquhar et celle du cuisinier que j’avais laissé auprès de lui. Mon premier mouvement a été un désir de vengeance : j’ai soupçonné Leucolé de s’être défait de son pensionnaire soit par le poison, soit par un meurtre quelconque. Mais l’entretien que j’ai eu avec le chef de la caravane a dissipé mon erreur ; Farquhar a succombé peu de temps après notre séparation à l’effroyable maladie qui l’a empêché de nous suivre. Autant que j’ai pu le comprendre, il se trouvait beaucoup mieux, assez bien même, disait-il, pour partir ; mais en voulant se lever, il tomba à la renverse et mourut aussitôt.