Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fondre une balle d’argent ; mais il n’y a pas moyen : je n’ai que de l’or.

À midi, j’ai laissé le tembé sous la garde d’environ cent hommes, et je suis allé voir Ben Nasib. Ce vieux cheik m’avait toujours paru philosophe ; je l’aurais même nommé professeur de philosophie usuelle, tant il était sentencieux, amoureux d’aphorismes, et d’un caractère plein de sagesse. J’ai été fort surpris de le trouver au désespoir ; ses aphorismes l’ont abandonné ; sa philosophie n’a pas tenu contre la mauvaise fortune, il m’a écouté de l’air d’un moribond, plutôt qu’en homme disposé à se défendre. Je lui ai chargé son petit canon, une pièce d’une couple de livres, avec des balles, de la mitraille, de menus lingots de fer, et je lui ai conseillé de ne tirer que quand l’ennemi serait à sa porte.

Sur les quatre heures, j’ai appris que Mirambo s’est retranché dans Kasima, qui est à deux milles de Tabora, du côté du nord-ouest.

26 août. Les Arabes sont partis ce matin avec l’intention d’attaquer l’ennemi, et n’en ont rien fait, Mirambo leur ayant demandé un jour de grâce pour manger la viande qu’il leur a prise. Il a eu l’impudence de les prier de revenir demain, ajoutant qu’alors il serait prêt à se battre et à leur en donner tout leur saoûl.

Notre village a recouvré son air paisible ; les fugitifs effarés ne se pressent plus dans ses étroites limites.

27 août. Mirambo s’est retiré cette nuit. Ce matin, quand les Arabes sont revenus devant Kasima, la place était vide.

Tous les jours il y a des conseils de guerre, meetings belliqueux dont nos cheiks paraissent très-épris. Je ne connais pas d’hommes plus prompts aux discours et plus lents dans les actes. Ils devaient s’allier les Vouatouta ; Mirambo les a prévenus. Ils parlaient de réenvahir les États de l’ennemi ; c’est Mirambo qui est venu chez eux promener le fer et la flamme, et tuer les plus nobles des leurs.

Ils discutent ; et, pendant qu’ils pérorent, la route de l’Oujiji et celle du Karagoueh se ferment plus que jamais à leur commerce. Beaucoup des plus influents parlent de retourner à Zanzibar, disant que le pays est ruiné. Je n’ai plus aucun respect pour eux.

En attendant ce qui arrivera, je m’occupe de mes affaires, bien qu’avec peu de succès. À défaut de Vouanyamouézi, je suis en train de louer des Vouangouana qui sont établis dans l’Ounyanyembé. J’offre à chacun trente dotis, plus du triple de ce qu’on donne habituellement. En temps ordinaire le prix est de cinq à