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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/27

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argent et sauve-toi. » Si l’indigène hésite, le Banian s’emporte, devient furieux, met l’autre dehors, repousse l’ivoire d’un air méprisant. Jamais tant de bruit ne s’est fait pour rien ; car s’il renvoie son homme, l’aigrefin n’entend pas laisser partir l’ivoire.

De tous les trafiquants de cette région, c’est le Banian qui possède le plus d’influence. À l’exception d’un très-petit nombre d’Arabes, tous les autres sont obligés de subir les pénalités de l’usure, et c’est lui qui les impose. Un traitant, par exemple, veut-il se rendre dans l’intérieur pour y acheter de l’ivoire ou des esclaves, de l’orseille ou du copal ; il demande à un Banian de lui avancer les fonds nécessaires et les obtient à 50, 60 ou 70 pour 100. Quel que soit le résultat de la spéculation, le préteur est sûr de retrouver sa mise. Il est rare qu’un homme expérimenté ne réussisse pas dans ce genre de commerce. A-t-il été malheureux, sans qu’il y ait eu de sa faute, le Banian le remet à flot et se dédommage amplement.

Citons des chiffres. Un Arabe est parti avec une cargaison de cinq mille dollars, qu’il emprunte. Arrivées dans l’Ounyanyembé, ses marchandises ont doublé de prix, soit dix mille dollars ; à Oujiji, elles en valent quinze mille. La frasilah d’ivoire s’y achète vingt dollars ; notre marchand la revendra soixante. Pour ses frais de route, aller et retour, il lui faut quinze cents dollars ; avec les trois mille cinq cents qui lui restent, il rapporte donc cent soixante-quinze frasilahs d’ivoire, qui, à raison de quarante dollars de bénéfice, lui en font empocher sept mille, sur quoi le Banian est remboursé..

Si l’affaire a lieu en esclaves, elle est encore meilleure. Dans l’Oujiji, pour vingt mètres de cotonnade, représentant là-bas sept dollars et demi, notre Arabe peut avoir un homme qui lui sera payé trente dollars. Avec les trois mille cinq cents qui lui restent, défalcation faite de ses dépenses, il achète quatre cent soixante-quatre esclaves, qu’il revend treize mille neuf cent vingt dollars, bénéfice net dix mille quatre cent vingt, plus de cinquante-deux mille francs. Les Arabes font souvent mieux que cela.

Comme puissance, les Hindis viennent après les Banians, mais je ne suis pas certain qu’en fait de ruse et de rapacité maligne ils ne soient pas égaux. Je me suis demandé bien des fois qui d’entre eux l’emportait ; et, avant de donner la palme aux Banians, j’ai beaucoup hésité. C’est par vingtaines que cette tribu hindostane produit les plus francs gredins. Cependant Tarya To-