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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/272

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c’est là que j’ai vu la plus énorme de toutes les boîtes ; on l’eût prise pour l’étui à chapeau d’un Titan : dix pieds de haut sur sept de large.

Le 29, après une étape de cinq heures, toujours dans la direction du sud-sud-ouest, nous atteignîmes Kikourou. La marche s’était faite comme la veille sur un sol craquelé, où, cette fois, le dalbergia se joignait au chêne noir, en compagnie d’arbres nains, au-dessus desquels s’élevaient de nombreuses fourmilières bâties en terre jaunâtre et qui ressemblaient à des dunes.

La fièvre couve en permanence dans cette région boisée, où la nature n’a rien fait pour l’écoulement des eaux. Pendant la saison sèche, on ne la croirait pas malsaine. L’herbe roussie et les traces pétrifiées des animaux, qui les ont fréquentées à l’époque humide, donnent bien aux clairières un sombre aspect, mais qui n’a rien d’inquiétant. Si dans le fourré des monceaux d’arbres gisent çà et là à tous les degrés de délabrement, des milliards d’ouvriers ardents travaillent sans relâche à les faire disparaître, et rien n’offense ni la vue ni l’odorat. Cependant il s’échappe de cette terre desséchée, de cette végétation morte, un poison subtil qui vous pénètre et qui n’est pas moins dangereux que celui qu’on respire, dit-on, à l’ombre de l’upas.

Les premiers effets de la malaria se produisent dans les entrailles, où ils restent d’abord confinés ; puis une langueur oppressive vous envahit, une somnolence irrésistible, une tendance continuelle au bâillement. La langue prend une couleur maladive, presque noire, avec une teinte jaunâtre : les dents elles-mêmes deviennent jaunes et se recouvrent d’un enduit nauséabond. Les yeux brillent d’un singulier éclat et sont remplis d’eau. Quand ces symptômes paraissent, la fièvre commence et ne tarde pas à se déchaîner, faisant rage dans tout le corps, et terrassant le malheureux qu’elle supplicie.

Parfois elle est précédée d’un violent frisson, pendant lequel des monceaux de couvertures peuvent écraser le malade, sans diminuer le froid mortel qui le secoue. Vient ensuite un mal de tête d’une intensité peu commune ; puis des douleurs excessives naissent dans les lombes, remontent la colonne vertébrale, s’étendent dans les épaules, gagnent le cou et se logent définitivement dans le front et dans l’occiput.

Mais le plus souvent il n’y a pas de frisson ; la fièvre, avec son douloureux cortège, succède immédiatement à la somnolence. La tête vous brûle, les tempes ont des battements précipités ; des te-