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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/293

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taine corde tressée, corde magique imbibée du sang de toutes les bêtes qu’il a tuées depuis qu’il chasse. Il a peur des lions et ne s’éloigne jamais du camp, dans les endroits où la présence de ces félins est connue. À part ceux-là, tous les animaux sont pour lui du gibier, et il les poursuit avec une ardeur infatigable. Sa figure a un sourire perpétuel, non pas gracieux ou bienveillant ; un sourire faux, apologétique, à la fois humble et traître ; en vous coupant la gorge, Asmani continuerait de sourire.

Choupéreh est un courtaud vigoureux d’une trentaine d’années ; d’un très-bon naturel et plein d’humour. Quand il parle, lançant une de ses brèves saillies, à la façon de Mark Twain, la bande entière éclate de rire. Nous n’avons jamais eu de querelle ensemble. Donnez-lui une bonne parole, il vous rendra une bonne action. Choupéreh est le plus fort, le mieux portant, le plus aimable, le plus fidèle de tous ; c’est le type du bon compagnon.

Khamisi est un garçon de vingt ans, propre et soigné, très-actif, ayant la voix haute, beaucoup de jactance : un vantard, et le lâche des lâches. Il a pour son mousquet la plus vive affection, est dans une extrême inquiétude si une vis se desserre ou si le coup a raté, mais je doute que devant l’ennemi il pût en faire usage, tant sa frayeur serait grande. Il se confierait plutôt à la vitesse de ses pieds, qui sont petits et bien faits.

Ambari devait avoir la quarantaine. C’était l’un des fidèles de Speke et l’un des miens. Il ne m’aurait abandonné qu’en face d’un ennemi redoutable, ou d’un danger personnel imminent. Il ne manque pas de capacité ; on n’en ferait point un capitaine, mais on peut lui confier un détachement, dont il rend très-bon compte. En temps ordinaire il est paresseux, aime à bien vivre et déteste la marche, à moins qu’il n’ait que son fusil à porter.

Djoumah était celui de mes hommes qui recevait le plus d’injures ; non de ma part, car il était rare que j’eusse à lui reprocher quelque chose. Il y avait en lui de la vieille femme, ce qui le faisait geindre continuellement, mais ce qui le portait à faire tous ses efforts pour m’être agréable. Avec moi il était sentimental jusqu’au pathétique ; avec les petits de la caravane il se montrait dur et hautain. À dire vrai, je me serais fort bien passé de lui. C’était l’un de mes inutiles ; déplorant son triste sort dès qu’il avait une charge quelconque, ne fût-elle que d’une livre ; bref, toujours grognant, toujours gémissant, et mangeant plus qu’il ne valait.

Oulimengo était le plus fou de la bande ; un écervelé de trente