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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/324

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quand nous le vîmes se débattre : un crocodile l’avait pris à la gorge. Pauvre Simba ! comme il se défendait ! Choupéreh tirait la corde de toutes ses forces, mais inutilement ; le pauvre âne enfonça, et nous ne l’avons pas revu. La rivière, en cet endroit, a quinze pieds de profondeur. J’avais bien aperçu dans le voisinage des têtes d’un brun clair, de petits yeux brillants, des échines écailleuses ; mais qui aurait jamais pensé que les monstres se seraient approchés des canots, au milieu du tumulte que présentait le bac ?

Nous nous sommes remis à l’œuvre, attristés par cette perte. À sept heures nous étions tous sur l’autre rive, excepté Bombay qui garde notre dernier âne ; il passera avec lui demain matin, lorsque les crocodiles auront quitté la rivière.

3 novembre. Que de discussions dans ces trois jours ! Que de tourments depuis que nous sommes dans l’Ouvinza ! Les habitants sont pires que les Vouagogo ; plus avides, plus insatiables.

Notre âne a passé l’eau ce matin avec l’assistance du mganga (l’homme aux talismans), qui, après avoir mâché quelques feuilles d’un arbre que l’on voit près de la rive, a craché cette pâte sur la bête.

Ce mganga m’a dit qu’après s’être frotté le corps avec ces feuilles mâchées, il traversait la rivière à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, sans avoir rien à craindre. Il paraît très-convaincu de l’efficacité du moyen.

Vers dix heures, est arrivée, de l’Oujiji, une caravane composée de quatre-vingts natifs de l’Ougouhha, province située au sud ouest du Tanganîka. J’ai demandé les nouvelles.

« Un Mousoungou est là-bas depuis trois semaines.

Cette réponse m’a fait tressaillir.

— Un homme blanc ? ai-je repris.

— Oui, un homme blanc.

— Comment est-il habillé ?

— Comme le maître (c’était moi qu’on désignait).

— Est-il jeune ?

— Non ; il est vieux ; il a du poil blanc sur la figure. Et puis il est malade.

— D’où vient-il ?

— D’un pays qui est de l’autre côté de l’Ougouhha, très-loin, très-loin, et qu’on appelle Manyéma.

— Vraiment ! Et il est bien à Oujiji ?

— Nous l’avons vu il n’y a pas huit jours.