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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/365

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Livingstone ne fait que passer au milieu des gens qui l’entourent ; c’est en lui-même que s’agite le monde dans lequel il vit réellement ; il n’en sort que pour subvenir aux nécessités pratiques et immédiates de l’existence, soit à son propre égard, soit à celui des autres, et revient bien vite à ce monde intérieur qu’il a peuplé de ses amis, de ses relations, de ses souvenirs, rempli de ses lectures et de ses pensées ; monde qui lui appartient en propre, et qui a plus d’attrait pour son esprit cultivé que ne pourraient en avoir les circonstances au milieu desquelles il se trouve.

Étudier Livingstone en laissant dans l’ombre le côté religieux serait faire une étude incomplète. Il est missionnaire ; mais sa religion n’est pas du genre théorique ; elle parle peu et n’a pas le verbe haut ; c’est une pratique sérieuse et de tous les instants. Elle n’a rien d’agressif, elle ne s’annonce pas ; elle se manifeste par une action bienfaisante et continue. La piété prend chez lui ses traits les plus aimables ; elle règle sa conduite non-seulement envers ses serviteurs, mais à l’égard des indigènes, des musulmans, en un mot de tous ceux qui l’approchent ; elle a adouci, affiné cette nature ardente, cette volonté inflexible, et fait de cet homme, d’une effrayante énergie, le maître le plus indulgent, le compagnon le plus sociable.

Tous les dimanches il réunit son petit troupeau, lui fait la lecture des prières, ainsi que d’un chapitre de la Bible ; puis, du ton le moins affecté, il prononce une courte allocution ayant rapport au texte qu’il vient de lire. Ces quelques paroles, dites en Kisahouahili, sont écoutées par la petite bande avec un visible intérêt.

Enfin, chez Livingstone, un dernier point dont se réjouiront tous ses amis, tous ceux qui ont du goût pour les études géographiques, c’est la force de résistance qu’il oppose à l’effroyable climat de cette région ; et, par suite, l’énergie avec laquelle il peut poursuivre ses travaux. Cette énergie est dans sa nature, elle appartient à sa race ; mais la manière dont il résiste aux pernicieux effets du climat n’est pas due seulement à son heureuse constitu-

    vingstone a développé ce don merveilleux. La faculté de s’abstraire date chez lui de son enfance, alors que, rattacheur dans la filature de Blantyre, où il restait depuis six heures du matin jusqu’à huit heures du soir, il faisait ses études, mettant son livre sur le métier, de manière à saisir les phrases, l’une après l’autre, tout en marchant pour faire sa besogne. « J’apprenais ainsi constamment, dit-il, sans être dérangé par le bruit des machines. C’est à cela que je dois la faculté de pouvoir lire et écrire tout à mon aise au milieu d’enfants qui jouent, ou d’une réunion de sauvages qui dansent et qui hurlent. » (Explorations dans l’Afrique australe, p. 6.)(Note du traducteur.)