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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/368

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Après lui avoir enjoint de ne se mêler à aucune des razzias d’esclaves que ses compatriotes font chez leurs voisins, le docteur se sépara de son protégé. Celui-ci, voyant le succès qu’avait obtenu sa requête, s’efforça de persuader à Chumah, son compagnon, son chum, un autre protégé du docteur, de solliciter également son congé, et de venir avec lui chez ce frère si riche, qui leur donnerait des femmes et du pombé autant qu’ils en voudraient.

Chumah alla parler de cette affaire à son maître, qui lui conseilla de ne pas partir ; car le docteur soupçonnait Vouikotani de n’avoir pas d’autre but que de s’emparer de l’autre, et d’en faire son esclave. Chumah écouta ce conseil, et eut la sagesse de rompre avec le tentateur.

De Mponda, Livingstone se rendit à l’extrémité nord du Nyassa, dans un village qui avait pour chef un Babisa[1]. Ce chef, qui était affligé d’une maladie de la peau, demanda au voyageur un médicament qui pût le guérir. Avec sa bonté ordinaire, Livingstone s’arrêta pour soigner le malade.

Sur ces entrefaites arriva dans le village un métis arabe, qui venait de la rive occidentale, et qui se disait avoir été pillé par une bande de Mazitous, dans un endroit que le docteur plaçait à une distance d’au moins cent cinquante milles au nord-nord-ouest du bourg où il se trouvait alors. Mousa, le chef des Anjouhannais, savait parfaitement que ce chiffre était exact, et qu’il n’y avait rien à craindre. Il n’en prêta pas moins une oreille avide au récit du métis, et parut y ajouter une entière confiance. Pénétré de ces affreux détails, il vint trouver le docteur et les lui transmit dans toute leur étendue.

Après avoir écouté patiemment ce racontar qui ne perdait rien de sa noirceur dans la bouche de Mousa, Livingstone demanda à ce dernier s’il croyait aux paroles du métis.

« Si j’y crois, répondit Alousa, c’est la pure vérité ; il n’y a pas là un mot qui ne soit vrai ; cet homme l’affirme, et j’en suis sûr, sûr, sûr. »

Le docteur reprit que cela ne pouvait pas être ; que si les Mazious avaient attaqué l’Arabe, ils ne se seraient pas contentés de le piller, et qu’ils l’auraient tué. Néanmoins, pour rassurer son Anjouhannais, il lui proposa d’aller avec lui trouver le chef du

  1. Babisa ou Abisa, tribu située à l’ouest du lac Nyassa, et généralement adonnée au commerce. Voir Livingstone, Explorations du Zanbèse et de ses affluents, librairie Hachette, 1866, p. 464 et 506, (Note du traducteur.)