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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/394

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l’Oujiji, la plupart des habitants, Arabes et indigènes, se réfugièrent à Bangoué ; tous ceux qui restèrent dans leurs bourgades furent anéantis par le fer et par la flamme.

Laissant dernière nous cette île, que Burton a décrite[1], et suivant les courbes du rivage, nous atteignîmes la baie de Kigoma, baie splendide qui fournirait un excellent port, à l’abri des vents à la fois violents et variables qui soufflent sur le Tanganika.

Entrés dans la baie, nous gagnâmes le village du même nom. Il n’était pas encore dix heures ; mais une forte brise, qui menaçait de nous pousser au large, nous fit échouer la barque et dresser notre tente. Kigoma est d’ailleurs, pour les gens que rien ne presse, l’endroit où l’on s’arrête quand on vient d’Oujiji,

Le lendemain au point du jour, on levait le camp ; et après avoir déjeuné et pris le café, nous nous remettions en route,

Parfaitement calme, le lac reflétait l’azur qui se déployait au-dessus de nos têtes, en lui donnant toutefois une couleur plus foncée avec une nuance verdâtre. Les hippopotames venaient souffler à proximité alarmante du canot ; et replongeaient rapidement comme s’ils avaient voulu jouer à cache-cache avec nous.

En face des hautes collines du Bemba, la teinte de l’eau parut annoncer une grande profondeur ; nous jetâmes la sonde, elle indiqua trente-cinq brasses ; nous étions alors à un mille de la côte.

Cette rangée de montagnes revêtue d’une herbe d’un vert éclatant, d’où s’élevaient de grands bois, et qui plongeait ses flancs abrupts jusqu’au fond du lac où elle jetait ses promontoires, déroulait devant nous des beautés qui nous en faisaient espérer d’autres, sans jamais que notre espoir fût déçu. À chacune de ses pointes que nous doublions, c’étaient de nouvelles surprises ; dans chacun de ses plis un tableau ravissant, des bouquets d’arbres couronnés de fleurs, et d’où s’exhalaient des parfums d’une suavité indicible. Une variété infinie dans les contours : des pyramides, des cônes tronqués, des tables rases, des toits pareils à ceux des églises, des croupes unies et gracieuses, des crêtes déchiquetées et sauvages ; scènes changeantes qui nous arrachaient des cris d’admiration. Que je fusse ravi, n’avait rien de surprenant ; mais le docteur lui-même, que j’aurais cru blasé sur de pareils tableaux, n’était pas moins enchanté que moi.

Je n’avais rien vu de pareil depuis que j’étais en Afrique, rien de semblable à ces hameaux de pêcheurs, enfouis dans des bos-

  1. Voyage aux grands lacs de l’Afrique orientale, page 442. (Note du traducteur.)