Aller au contenu

Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si je trouve en marge une note peignant ma sensation en lisant old Mortality à Florence, il y a trois ans, à l’instant je suis plongé dans l’histoire de ma vie, dans l’estime du degré de bonheur aux deux époques, dans la plus haute philosophie, en un mot, et adieu pour longtemps le laisser-aller des sensations tendres.

Tout grand poète ayant une vive imagination est timide, c’est-à-dire qu’il craint les hommes pour les interruptions et les troubles qu’ils peuvent apporter à ses délicieuses rêveries. C’est pour son attention qu’il tremble. Les hommes, avec leurs intérêts grossiers, viennent le tirer des jardins d’Armide, pour le pousser dans un bourbier fétide, et ils ne peuvent guère le rendre attentif à eux qu’en l’irritant. C’est par l’habitude de nourrir son âme de rêveries touchantes, et par son horreur pour le vulgaire, qu’un grand artiste est si près de l’amour.

Plus un homme est grand artiste, plus il doit désirer les titres et les décorations, comme rempart.