Aller au contenu

Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intime avec cent amis, il n’y avait pas non plus d’intimité ou d’amitié proprement dites.

En Italie, comme avoir une passion n’est pas un avantage très rare, ce n’est pas un ridicule[1], et l’on entend citer tout haut dans les salons des maximes générales sur l’amour. Le public connaît les symptômes et les périodes de cette maladie et s’en occupe beaucoup. On dit à un homme quitté : Vous allez être au désespoir pendant six mois ; mais ensuite vous guérirez comme un tel, un tel, etc.

En Italie, les jugements du public sont les très humbles serviteurs des passions. Le plaisir réel y exerce le pouvoir qui ailleurs est aux mains de la société ; c’est tout simple, la société ne donnant presque point de plaisirs à un peuple qui n’a pas le temps d’avoir de la vanité, et qui veut se faire oublier du pacha, elle n’a que peu d’autorité. Les ennuyés blâment bien les passionnés, mais on se moque d’eux. Au midi des Alpes, la société est un despote qui manque de cachots.

À Paris, comme l’honneur commande de défendre l’épée à la main, ou par de bons mots si l’on peut, toutes les avenues

  1. On passe la galanterie aux femmes, mais l’amour leur donne du ridicule, écrivait le judicieux abbé Girard, à Paris, en 1740.