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Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/365

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DE L’AMOUR

célèbre en Allemagne, et n’en a jamais compris un mot.

Pour avoir eu quelques leçons de Redouté, elle surpasse, à quelques égards, le talent de son maître. Ses roses sont plus légères encore que celles de cet artiste. Je l’ai vue plusieurs années s’amuser de ses couleurs, et jamais elle n’a regardé d’autres tableaux que ceux de l’exposition ; jamais, lorsqu’elle apprenait à peindre des fleurs, et quand alors nous possédions encore les chefs-d’œuvre de la peinture italienne, elle n’eut la curiosité de les aller voir. Elle ne comprend pas la perspective dans un paysage ni le clair-obscur (chiaroscuro).

Cette inhabileté de l’esprit à saisir les choses difficiles est un trait de la femme française ; dès qu’une chose est malaisée, elle ennuie et on la plante là.

C’est ce qui fait que votre livre de l’Amour n’aura jamais de succès parmi elles. Elles liront les anecdotes et passeront les conclusions, et elles se moqueront de tout ce qu’elles auront passé. Je suis bien poli de mettre tout cela au futur.

Madame Féline, à dix-huit ans, fit un mariage de convenance. Elle se trouva unie à un bon jeune homme de trente ans, un peu lymphatique et sanguin, tout à fait antibilieux et nerveux, bon, doux, égal et très bête. Je ne sais pas d’homme plus